Kadhja Bonet n’aime pas trop les tournées. Depuis que je la suis pour Les Jours, la chanteuse californienne a peu joué sur scène, occupée qu’elle était à enregistrer de nouvelles chansons et surtout à décider quelle forme prendrait sa carrière (lire l’épisode 6, « Se faire label, sinon rien »). Le moment est maintenant venu d’emmener sa soul aérienne sur les routes, et sa deuxième date européenne de cette fin d’hiver s’arrêtait à Paris ce mercredi soir. À La Boule noire, une petite salle en longueur, bancs de bois patinés sur les côtés et moquette psychédélique au mur. L’endroit parfait pour ce premier vrai concert en France – complet en quelques jours.
« Ça ne m’amuse pas de tourner seule », me disait-elle quelques jours plus tôt, alors qu’elle achevait une série de dates aux États-Unis, seule justement ; elle, sa guitare et sa voix merveilleuse. « J’aime tourner avec mes amis, même si je me sens coupable de voler leur temps. À mon niveau, on ne gagne pas beaucoup d’argent et je déteste la sensation de sous-payer les gens. » En Europe, Kadhja Bonet a emmené, comme lorsque j’étais allé la voir pour son unique date de l’année dernière en Suisse (lire l’épisode 1, « Sur les bords de scène »), son guitariste et âme sœur Itai Shapira, qui se balade aussi aux claviers ou à la basse avec une efficacité discrète qui soutient toutes les chansons à elle seule. Elle y a ajouté « un ami de New York et un ami de Berlin », tous deux américains, à la batterie et à la basse. Elle joue de la guitare. On aurait aussi très envie d’entendre des cordes – violons, violoncelle, harpe – jouer les entrelacs chics de Honeycomb ou The Visitor, mais Kadhja Bonet a fait le choix de commencer par le commencement : la bonne vieille structure pop guitares-basse-batterie.

Mercredi, celles-ci apportaient malheureusement davantage de lourdeur que de grâce à sa musique, la faisant tomber par moments dans un jazz rondouillard et ronronnant. Mais le désormais quartet a un bon alibi : « C’est notre deuxième concert ensemble », regrettait Kadhja Bonet deux heures avant de monter sur scène, assise sans conviction devant un thé vert qu’elle n’a pas bu. « J’aime faire les choses comme il faut, mais là, on n’a pas trop le choix. On a eu le temps d’une seule répétition avant notre concert à Bruxelles, et nous voilà. » Le son se construira donc comme il pourra, en s’écoutant date après date.
Ils sont arrivés de Belgique en bus avec tout le matériel, y compris la batterie et les claviers si lourds à transporter, alors que la plupart des musiciens les louent pour chaque date afin d’éviter cette tannée.