Ce jour-là, l’air charrie une odeur de caoutchouc depuis l’usine Michelin de Cataroux qui se trouve en contrebas des ruelles. C’est rare ; la plupart du temps, le vieux quartier de Montferrand, au nord-est de Clermont-Ferrand, n’est pas incommodé et profite de sa lenteur paisible de petite ville. C’est là que s’est installé depuis plusieurs années François-Régis Croisier, que Les Jours suivent dans l’obsession Chant/contrechamp. Parce que c’est le seul beau quartier de la ville
; parce que tout est accessible à pied aussi, et parce qu’on s’y loge pour pas cher dans ses jolies rues pavées qui détonnent dans une agglomération dispersée en tristes projets immobiliers de l’après-guerre autour de son petit centre dominé par la cathédrale en pierre de lave noire.
La maison de Montferrand s’élève sur trois étages étroits et s’ouvre, côté salon, sur une terrasse coincée entre de hauts murs. De l’autre côté, une porte donne sur une seconde maison où Aurélia, sa femme, donne des cours de piano et d’éveil musical. François-Régis Croisier a rangé ses disques – CD et vinyles – à l’étage, mais il les écoute peu aujourd’hui – à part dans la voiture
. Entre ses deux garçons de 6 ans et 14 mois, son emploi d’instituteur en maternelle et CE2 et sa demi-vie de musicien sous le nom de Pain-Noir, les journées passent vite.

C’est justement ce qui m’intéressait lorsque je lui ai proposé de rejoindre cette obsession sur Les Jours : à 35 ans, François-Régis Croisier vit dans la tension entre sa vie personnelle, son besoin de calme et l’envie de défendre au mieux sa musique à travers la France. Pour lui, tout est donc un choix pesé, retourné et voulu.
François-Régis Croisier est né à Nevers mais il vit à Clermont-Ferrand depuis 1998 et ses années d’étudiant en anglais. La ville lui convenait davantage que Dijon où il aurait pu aller aussi, et puis l’histoire de sa famille est là. Il a longtemps vécu dans le centre-ville, profité des terrasses et de l’émulation musicale qui a traversé les années 2000 dans la ville.
J’aime bien les têtes que je croisais dans les bars, mais j’aime bien aussi ne pas les voir trop souvent.
Sous le nom St. Augustine, il y a cofondé en 2006, avec Pastry Case, Leopold Skin et The Delano Orchestra, le label Kütu Folk. Le collectif était mouvant et solidaire, les musiciens allant d’un projet à un autre, des Nord-Américains (Evening Hymns, Hospital Ships, Soso) prolongeant sur la fin cet esprit de l’autre côte de l’Atlantique. Musicalement, c’était folk ou à tendance hip-hop, quelque part dans le vaste monde entre Townes Van Zandt et Why?.