Les mésanges exterminatrices
Fin du monde. Chaque vendredi midi, « Les Jours » vous parlent effondrement et culture. Aujourd’hui, les bandes dessinées d’Alessandro Pignocchi.
Vous êtes-vous déjà marré avec une mésange bleue ?
Vous êtes-vous déjà demandé si votre vie avait un sens avec Manuel Valls nu dans un fleuve indien ?
Vous êtes-vous déjà questionné sur la cosmogonie occidentale moderne à la terrasse d’un café de Seine-et-Marne ?
Si tant est que ces expériences vous tentent, c’est facile, lisez les bandes dessinées d’Alessandro Pignocchi, ancien chercheur en sciences cognitives et en philosophie de l’art
Ses mésanges sont rebelles, autonomes et devraient se méfier de la loi anticasseurs – rapport à cet apéro mojitos à l’alcool à brûler qui a dégénéré (à cause des pinsons, certes, mais faudra le prouver)
Manuel Valls et ses amis politiciens ayant adopté l’animisme, ils passent leur temps à parler tritons et muscardins, à remettre des bousiers sur leurs pattes, à se marier avec des papayes…
Tandis qu’à Bois-le-Roi un anthropologue jivaros va de découverte en découverte et affine sa connaissance des rituels occidentaux : pêche à la ligne, petits verres de rosé, arbre à cartes de vœux totémique…
Les scènes sont tordantes, les dessins à l’aquarelle et le découpage sont impressionnants de maîtrise… mais est-ce que tout cela parle d’effondrement ?
Eh bien oui, et pas seulement parce qu’on retrouve une mésange d’Alessandro Pignocchi sur la couverture d’Une autre fin du monde est possible (Le Seuil, 2018), le dernier essai coécrit par Pablo Servigne
Dans la postface de La cosmologie du futur, Alessandro Pignocchi écrit : « Nous sommes en train de vivre ce qu’on pourrait appeler un “effondrement cosmologique”, une transformation des structures fondamentales qui organisent notre rapport au monde. »
En jeu, la distinction occidentale entre nature et culture, la première totalement objetisée et mise à bonne distance de la seconde, spécifiquement humaine et ivre de sa propre foi dans le « progrès » et la « civilisation »
Sauf qu’aujourd’hui la dichotomie craque de toutes parts, vole en éclats : elle est inopérante quand la culture met en péril sa propre survie en détruisant les animaux et les plantes
Ou en provoquant le changement climatique
S’inscrivant – ouvertement – dans les pas des travaux de l’anthropologue Philippe Descola, les bandes dessinées d’Alessandro Pignocchi ne sont pas gentiment absurdes, elles renversent les esprits
Extrait :
À lundi (si on tient jusque-là).