Vu de mes yeux vu. À Versailles, à Saint-Denis, à Asnières, à Neuilly… Depuis l’insurrection du 18 mars, la parole des yeux allègue toutes les assertions, de toi à moi, du journal à ses lecteurs, des officiers aux commandants, du commandement à la Commune. C’est ainsi, à Versailles, un bourgeois – par discrétion on ne peut le nommer – qui a vu la troupe absolument démoralisée et beaucoup de régiments qui « manifestent hautement la ferme résolution de ne pas tirer sur les Parisiens », les chefs mortifiés d’une armée dépravée « au milieu d’une cohue de prostituées impériales et monarchiennes », les bombardeurs de Paris lâchement réduits aux abois de leurs canons. Dans les colonnes du Cri du peuple, le 1er mai, c’est « un de nos amis qui vient de faire une discrète visite à Versailles, […] revenu aujourd’hui, et [qui] nous a rapporté le renseignement suivant : il y a dans les ambulances royales de douze à quinze mille blessés. Beaucoup de ces soldats ont la figure juvénile et les mains fines, leur linge est remarquablement beau. Voici l’explication de leur présence. Les séminaires ont fourni à M. Thiers un contingent qui est venu renforcer les gendarmes et les sergents de ville. C’est décidément la croisade contre la République. » Toujours à Versailles, ce sont mille cinq cents marins qui gardent les canons arrivés de Brest et Toulon, s’opposant, dit-on « énergiquement à ce que ces armes servent à la guerre civile ». On a vu, nous assure-t-on encore, deux mille Rochelais se soulever pour empêcher le transport à Belle-Île des gardes nationaux prisonniers. On a vu, les 75e et 89e régiments de la ligne décimés dans une attaque menée avec des forces considérables où Versailles a perdu mille cinq cents hommes mis hors de combat. On a vu, les artilleurs fédérés qui contrebattent sous un déluge de plus de cinq mille projectiles, bombes, obus, boîtes à mitraille, les batteries installées sur le plateau de Châtillon et à Clamart, semant le désordre dans les rangs versaillais. On sait, mais peut-on croire, qu’Adophe Thiers, pour pallier l’inexpérience de son armée, offre quinze francs par jour aux artilleurs prussiens qui se mettraient à son service ?