«Le drapeau tricolore flotte sur le fort d‘Issy, abandonné hier au soir par sa garnison. Le délégué à la guerre, Rossel. » Cela claque, le lapidaire Louis Rossel a taillé sa formule pour y ficher les têtes des chefs de légion qui galonnent au Comité central de la garde nationale. La Commune donne la dépêche sans aucun commentaire, « elle a confiance dans l’intelligence patriotique de la population parisienne », pose Le Cri dans son édition du 11 mai. Impéritie militaire ? Allons ! Trahison, oui !, dénonce le nouvellement installé Comité de salut public (lire l’épisode précédent, « Le comité de salut public déchire la Commune »*). Le complot est déjoué : faute de vaincre Paris par les armes, Versailles « a jeté son or à pleine main » pour soudoyer les consciences à acheter. Ce 9 mai, le fort n’a pas été abandonné, il a été livré, le premier acte du drame qu’« une insurrection monarchique à l’intérieur, coïncidant avec la livraison d’une de nos portes devait suivre et nous plonger au fond de l’abîme », rassurons-nous, « tous les fils de la trame ténébreuse dans laquelle la Révolution devait se trouver prise sont, à l’heure présente, entre nos mains », concluons « que tous les bras soient prêts à frapper impitoyablement les traîtres. Que toutes les forces vives de la Révolution se groupent pour l’effort suprême, et alors, alors seulement, le triomphe est assuré. » Clairons, tambours, aux champs !
Issy est à Versailles, Le Cri nous raisonne : après quarante jours de siège mené avec 150 000 hommes, le bombardement de 128 batteries d’artillerie, M. Thiers n’a conquis qu’un tas de décombres, une victoire sur des murs ruinés, dorénavant sans importance militaire. Paris compte toujours cinq forts et redoutes, quarante fois cinq vaudront deux-cents jours de combats à Versailles pour en venir à bout. Et quand bien même les monarchistes l’emporteraient, ils auraient alors, dénombre le journal dans son édition du 12 mai, à franchir l’enceinte des bastions