Dans le grondement, encore si lointain, des canonnades ininterrompues, Paris vit, pavoise, dort, mange, badaude, se divertit. Aux frontons de tous les édifices, par décrets municipaux, le drapeau tricolore
Boulevard Richard-Lenoir, les baraques de la foire aux jambons offrent aux curieux leurs étals de nourritures goûteuses, les pyramides de pains d’épice, les fragrances de viandes de porc et d’agneau succulentes qui grésillent sur les fourneaux, les harengs frits, les sucres d’orge. Les pitres bonimentent la parade des acrobates et des hercules qui donnent du biceps. Admiré de tous les lutteurs de foire et de la pratique des gymnases, voici le citoyen Hippolyte Triat, gymnasiarque et « plus bel homme de Paris », qui flâne un matin dans les allées de cette kermesse. Sur la décision du maire du VIIIe arrondissement et pour la Commune, il vient d’être nommé directeur et commandant d’un corps spécial de gymnastes, destiné à former des professeurs, filles et garçons, de gymnastique civile et militaire pour les écoles et les armées citoyennes. Michel Sentier, belle figure républicaine du faubourg, assez habile plus jeune au noble art des coups portés, interrompt une partie de bouchon qu’il dispute avec Égline, la jeune piqueuse de bottines que Les Jours ne cessent de croiser, pour aller saluer cet illustre qu’il tient en amitié. Sentier raconte à Égline la vie ébouriffante du colosse telle qu’il la tient, à peine romancée, de l’athlète lui-même. Natif du Gard, Hippolyte Triat, très jeune orphelin, est enlevé et vendu à une troupe d’artistes qui lui apprend le travail de danse de corde, de poids et de poses plastiques. Plus tard, en Espagne, une jambe brisée sous le sabot d’un cheval affolé dont il avait arrêté la course, il est recueilli par une bienfaitrice qui l’adresse, après sa guérison, au collège de jésuites de Burgos, où il commence à élaborer son plan d’éducation physique.