«Ils m’ont annulé à 23 h 30 ! », se plaint un journaliste d’un quotidien national, dépité. Pour lui, plus question de visiter le port du Havre avec Jean-Luc Mélenchon le lendemain matin. L’équipe de com du candidat en a décidé ainsi : trop de journalistes accrédités. « Il a fallu faire des choix », lui a-t-on expliqué. Le reportage prévu ne sera donc ni écrit, ni publié. Sur une campagne, le rôle des communicants vis-à-vis des journalistes est concrètement celui-là : donner accès, ou non, au candidat. Leur mission consiste aussi à imposer leurs thèmes de campagne dans les médias. Le graal consiste à « créer l’agenda », selon l’expression consacrée par les communicants eux-mêmes. Il s’agit de tout mettre en œuvre – déplacements, conférences de presse, prises de parole multiples… – pour que les journalistes répercutent le message à destination du grand public et ainsi occuper l’espace médiatique. Et le bras de fer avec les journalistes est permanent. Dans cette série, nous racontons et analysons les stratégies des communicants et les coulisses de leur travail pendant cette campagne présidentielle. Cette fois, déplaçons le regard en face, vers la première cible de ces communicants : les journalistes politiques qui travaillent au quotidien au contact des candidats et de leurs équipes. Face à la débauche de communication lors d’une présidentielle, il leur incombe de préserver leur liberté. Pas simple lorsqu’on est « embedded » ou « embarqué » dans une campagne pendant plusieurs mois. Surtout quand celle-ci prend des contours totalement inattendus.