Amiens, envoyée spéciale
Les journalistes sont installés, ils attendent la conférence de presse d’Emmanuel Macron à Amiens quand la nouvelle tombe sur les smartphones : Marine Le Pen est à l’usine Whirlpool, à quelques kilomètres de là. Dans la salle, beaucoup sourient en coin : « C’est la lose », lâche l’une d’entre elles. Un photographe s’énerve : « La photo à faire, elle est là-bas, on est ici comme des cons. » L’équipe de communicants du candidat s’éclipse. Le coup de com de la candidate frontiste prend tout le monde de court. À commencer par Emmanuel Macron. Ce mercredi 26 avril, le candidat d’En marche vient de rencontrer l’intersyndicale de Whirlpool, mais à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) dans le centre-ville d’Amiens, pas à l’usine. Les images le montrent à une grande table de réunion entre une poignée de conseillers, assis à plusieurs mètres d’écart face aux responsables syndicaux. Ambiance froide et distante. Quand Marine Le Pen s’affiche tout sourire, sur le parking de l’usine auprès des ouvriers (et aussi de militants FN venus faire la claque), en train de faire des selfies et des bises : voilà l’image qu’est venue chercher la candidate frontiste. Opportuniste, celle qui veut incarner le peuple et ne cesse de dénoncer l’oligarchie, surtout depuis ce premier tour où il lui faut récupérer des voix de Jean-Luc Mélenchon, a flairé le symbole. Puis, au bout d’un quart d’heure de flottement, le bruit court : « Il va s’y rendre aussi. » Au risque d’apparaître comme un suiveur, qui y va contraint et forcé. « Et en même temps, il n’a plus vraiment le choix », rigole un caméraman.
Certains moments restent dans l’histoire des campagnes présidentielles. Les journalistes, ensuite, se les racontent entre eux. Et les équipes de com les érigent en cas d’école, histoire d’essayer d’anticiper ce qui pourrait leur arriver. Le déplacement d’Emmanuel Macron de ce mercredi 26 avril ressemble à ces moments de mauvaise postérité. Tout avait été soigneusement préparé et calibré pour son premier déplacement depuis le premier tour. Son programme : rencontrer les salariés de l’usine Whirlpool menacée de fermeture en 2018 pour être délocalisée en Pologne – les emplois de 286 personnes sont menacés, autant d’intérimaires et une centaine de salariés d’un sous-traitant. Le déplacement a lieu à Amiens, sa ville natale, « chez lui », comme il dit. Sa virée cible un électorat qui lui a fait défaut jusqu’ici, les ouvriers, et avec qui il a déjà commis quelques sérieux impairs.