La soirée avait mal commencé. Elle devait se tenir au Palais des congrès, porte Maillot, à Paris, mais quelques jours avant, changement de plan : les journalistes sont conviés au QG, dans le XVe arrondissement. Mauvais signe… Le staff Fillon n’y croyait-il déjà plus ? Son équipe de com n’a jamais expliqué les raisons de ce revirement. Du point de vue de la communication, il aura eu le mérite de limiter les images de militants aux mines défaites, déçus par le verdict des urnes. François Fillon s’est donc bunkerisé jusque dans les derniers instants, comme tout au long de sa campagne plombée (lire les épisodes 1, 3, 4 et 8). Sa communicante en chef, Anne Méaux, brushing impeccable et talons hauts, arrivée sur place ce dimanche vers 17 h 45, a passé une bonne partie de sa soirée au quatrième étage avec la garde rapprochée du candidat – le sénateur Bruno Retailleau, le député Jérôme Chartier… Sa mission était de mettre au point le discours final de François Fillon et les éléments de langage que les porte-parole ont déroulé sur les plateaux télé dès l’annonce des résultats. Quand le candidat, arrivé sur place vers 19 h 15, s’engouffre dans son bureau du cinquième étage, une de ses attachées de presse annonce déjà : « Il parlera rapidement, vers 20 h 15 ou 20 h 30. »
Comment mettre en scène une défaite cuisante ? La communication a tenté de maîtriser au maximum les dernières images de la campagne de François Fillon. Dans les dédales du QG, les journalistes ont été invités à poser leurs affaires en salle de presse, devant des écrans de télé branchés sur BFMTV en boucle, pendant qu’au deuxième étage, quelques militants visiblement inquiets ont été conviés à la (très courte) soirée électorale. Mais à l’entrée de la salle où François Fillon doit prononcer son discours, le filtrage est de rigueur. Accès autorisé à condition d’avoir une pastille verte collée sur son badge d’entrée. Dimitri Lucas, le communicant qui a chapeauté les déplacements de la campagne, les garde bien au chaud dans la poche intérieure de son veston, pour les délivrer à la tête du client.
Ah non ! Les journalistes, ça suffit comme ça. Lâchez-nous, on vous a assez vus !
Pendant ce temps, les estimations tombent sur les téléphones portables. Les attachées de presse, mine fermée, refusent de réagir. « Il y a beaucoup d’intox », lâche l’une d’entre elles. Du côté des militants, on est souvent de mauvais poil : « Ah non ! Les journalistes, ça suffit comme ça. Lâchez-nous, on vous a assez vus ! », lance une femme, maquillage lourd et regard mauvais.