Les communicants d’Emmanuel Macron ont défilé sur le tapis rouge le jour de la passation de pouvoir (lire l’épisode 21, « La com du Président »). Ils ont depuis rejoint l’Élysée, où ils tentent d’imposer la communication ultra-contrôlée qui a fait leur marque de fabrique durant la campagne et que nous avons racontée tout au long de cette série. Dans le camp des perdants, chez François Fillon, Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélenchon, leur rôle s’est arrêté au soir du premier tour. Nous les avons recontactés, maintenant qu’ils sont plus libres de leur parole, pour qu’ils nous racontent l’envers de cette folle campagne si difficile à maîtriser.
Pour certains, il reste des souvenirs particulièrement douloureux. « Ce matin-là, devant les portes du Salon de l’agriculture, c’est mon pire souvenir de campagne… » L’endroit est un passage obligé pour les candidats, surtout pendant une présidentielle : on vient y serrer les mains, s’afficher avec la France rurale, tâter le cul des vaches… Dimitri Lucas s’y trouvait, en ce matin du 1er mars, alors que la campagne de son candidat, François Fillon, était déjà plombée depuis plus d’un mois par des révélations de la presse sur de possibles emplois fictifs concernant sa femme et ses enfants. Sa mission : accueillir les journalistes et les placer avant l’arrivée du candidat. Un peu avant 9 heures, le communicant reçoit un texto très succinct de l’équipe Fillon, qu’il lit, incrédule, à haute voix devant les journalistes : « La visite de François Fillon au Salon de l’agriculture est reportée. ». Lui-même est pris de court, il n’a pas été prévenu par Anne Méaux qui chapeaute la stratégie de communication du candidat. Motif de l’absence de François Fillon, qu’il apprendra plus tard : les juges ont convoqué le candidat en vue de sa mise en examen et il prépare sa contre-attaque avant que l’info ne soit révélée par la presse. Toute la matinée ressemblera à un psychodrame jusqu’à la conférence de presse vers midi – où François Fillon annoncera finalement qu’il maintient sa candidature et dénonce un « assassinat politique ».
« Je n’avais jamais vécu ça sur aucune campagne », se souvient le communicant, qui a travaillé pour Nicolas Sarkozy pendant les présidentielles de 2007 et 2012. « L’annulation de sa visite aurait dû intervenir plus tôt, avant que les journalistes ne soient sur place. Et la conférence de presse être organisée très vite dans la foulée pour couper court aux rumeurs et aux spéculations », juge Dimitri Lucas.
J’aurais aimé un débat Fillon/Macron pour mon pays. Mais je ne juge pas, j’ai pu mesurer la violence sur le terrain.
Le communicant était de tous les déplacements ou presque, en charge de la logistique et de la presse, mais n’était pas salarié de la campagne.