Philippe Bongrand est maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise). Il travaille sur l’instruction en famille en France, un domaine peu étudié alors qu’il existe depuis la loi de 1882 qui a rendu l’enseignement, mais pas l’école, obligatoire. Il coordonne actuellement un projet de recherche qui vise à réaliser « une sociographie de l’instruction en famille », dont les premiers résultats ont été détaillés dans un numéro de la Revue française de pédagogie. Pour lui, le confinement, qui oblige l’ensemble des élèves à travailler depuis chez eux, permet de mettre en lumière la diversité des foyers qui pratiquent l’instruction en famille à l’année, mais pose aussi la question de ce que l’Éducation nationale attend des parents qui n’ont pas choisi la situation actuelle.
Comment voyez-vous la situation actuelle, où l’ensemble des élèves étudient chez eux ?
L’amalgame, ce serait de penser que les familles qui vivent la situation actuelle expérimentent l’école à la maison comme des parents qui choisissent d’instruire eux-mêmes leurs enfants. Faire l’instruction en famille, cela renvoie à des conditions et à des pratiques qui sont tout à fait différentes. Les familles qui font ce choix ne sont pas isolées, ni repliées sur le domicile ; elles ont recours aux équipements publics, aux musées et médiathèques. Elles ont des activités extérieures et collectives : ce n’est pas le confinement ! Pour les familles actuellement confinées, il y a certes des activités d’apprentissage qui ont lieu au domicile, mais ce sont les enseignants qui les définissent. La situation s’apparente donc plutôt, sous des formes un peu particulières, à celle des devoirs à la maison. Et cela soulève plutôt les problématiques, déjà bien connues, de leur fort potentiel d’accroissement des inégalités sociales.
Dans beaucoup de cas, on constate que l’instruction à la maison est une situation par défaut. C’est par exemple le cas des parents qui aspirent à scolariser, mais dont les enfants souffrent de symptômes, violents, de phobie scolaire.
Que représente l’enseignement à la maison en France ?
D’après les derniers chiffres disponibles, pour l’année 2016-2017, il y avait de l’ordre de 30 000 enfants instruits en famille en France, soit 0,36 % des enfants âgés de 6 à 16 ans. Ces enfants se répartissent en deux catégories administratives différentes. En 2016-2017, on compte 16 247 élèves inscrits, à distance, dans un établissement scolaire public : le Cned.