Nous l’avions suivi pendant une année de sa vie de musicien (lire la série Chant/contrechamp), mais François-Régis Croisier, alias Pain-Noir, est aussi enseignant, professeur d’une classe de CM1-CM2 à l’école Ferdinand-Buisson de Clermont-Ferrand. Depuis plusieurs jours, il tente de mettre en place un enseignement à distance sans trop savoir par où commencer.
«Grâce à notre ministre qui a persisté à dire qu’il n’y aurait pas de fermeture des écoles, on a eu beaucoup de difficultés à se préparer en amont. Le matin même de la décision, [Jean-Michel] Blanquer disait que les écoles ne fermeraient pas… Donc il a fallu être réactif. Le premier truc, ç’a été un moment d’explication avec les élèves, puis de leur donner du travail à la maison. Qu’ils aient de quoi faire pour deux ou trois jours sans intervention extérieure.
La suite est plus incertaine. On a très peu de directives et de soutien de l’Éducation nationale. J’ai la chance d’enseigner dans une école où on bosse bien ensemble, où on va dans le même sens et où on est plutôt ouverts aux nouvelles technologies. On a créé une adresse e-mail par classe et on déposera du travail sur un Google Drive pour les parents, plus des exercices en ligne à faire sur le site du Cned (Centre national d’enseignement à distance) ou d’autres qui sont bien faits. J’ai passé tout mon lundi matin à appeler les parents un par un pour récupérer une adresse mail valide, mais je suis dans une école d’un quartier très populaire et, sur 24 élèves, j’en ai 8 qui n’ont pas d’ordinateur à la maison, des parents qui n’ont pas d’adresse mail ou qui sont non-francophones.

Pour ceux qui n’ont pas d’ordinateur, on leur imprime un maximum de travail et leurs parents viennent le récupérer dans des casiers pour éviter les contacts inutiles. Mais ça ne sera peut-être pas jouable avec un vrai confinement, l’école sera entièrement fermée. On sait donc déjà que les inégalités vont se creuser, parce que suivre les cours sera conditionné par le fait d’avoir un ordinateur et du réseau. Malheureusement, je sais que certains de mes élèves vont traîner en bas des tours toute la journée, c’est inévitable parce que certains parents sont plus désengagés de l’école que leurs enfants. Ils travaillent avec des horaires décalés ou ne travaillent pas… Ils sont peu investis pour tout un tas de raisons. À l’inverse, j’ai beaucoup d’élèves pour qui l’école est le centre névralgique de leur vie ; quand c’est les vacances, ils ne sont pas contents !
Pour le moment, l’idée est d’entretenir ce qu’on a déjà appris.