Y’ a comme un goût de gêne quand on marche dans la ville. C’est l’écart qu’on fait pour laisser le mètre réglementaire entre soi et ses congénères. C’est s’apercevoir qu’il ne reste plus, au rayon des œufs du Carrefour City d’à côté, qu’une boîte à 6,99 euros. C’est ces queues partout pour entrer dans les magasins encore ouverts ; c’est ces gens entassés les uns sur les autres qu’on filtre à l’entrée d’un Leclerc ou ceux-là qui achètent des baguettes par dix, c’est cette femme qui pleure parce qu’elle doit ôter ses gants pour taper son numéro de carte bancaire. C’est le regard embarrassé de ce voisin d’en dessous qui entasse enfant et valises dans un camping-car direction ailleurs. Ce sont ces gares parisiennes bondées un lundi dont les trains vont embarquer de véritables bouillons de culture. Un exode sans guerre, une guerre sans ennemi sinon le temps qu’il faut freiner, retarder, repousser. Il y a cinq jours, autant dire un siècle, Emmanuel Macron annonçait la fermeture des écoles et conseillait aux personnes de plus de 70 ans de rester chez elles. Ce lundi, le président de la République l’a dit non pas une, mais six fois : « Nous sommes en guerre. »
La phrase est forte, qui fait un écho bien compris à celle de son prédécesseur François Hollande, la même, prononcée au congrès réuni à Versailles après les attentats de novembre 2015. La guerre de Macron commence par une reddition. Il dépose les armes : « Toutes les réformes en cours sont suspendues, à commencer par la réforme des retraites. » Également suspendu, le deuxième tour des élections municipales : le premier est validé mais le second est reporté au mois de juin, les équipes sortantes restent en place jusque-là, sauf pour ceux qui sont passés dès ce dimanche. Cette guerre débute ce mardi à midi, pour quinze jours « au moins » : on ne pourra plus se déplacer que pour se soigner, faire ses courses, travailler si le boulot à distance n’est pas possible, et aussi, bizarre exception en temps de guerre, pour « un peu d’exercice physique ». Et là, vous vous grattez la tête comme nous : ce n’était pas déjà le cas ? De fait, le mot « confinement » n’est jamais prononcé par le président de la République et il faudra attendre, après le discours présidentiel, deux tweets du ministre de la Santé Olivier Véran pour qu’il soit inscrit en toutes lettres. Ce qui tenait jusqu’à lors du conseil devient obligatoire : « Toute infraction à ces règles sera sanctionnée », prévient Emmanuel Macron.

Assurant le SAV après le discours présidentiel, son fidèle Christophe Castaner en gendarme de Forcalquier, a enfilé l’imper mastic du méchant flic, ton cassant inclus, pour préciser quelques points.