Marie est sage-femme dans une maternité parisienne. Elle a vécu une prise de conscience tardive et soudaine de son service face au Covid-19. Aujourd’hui, sa maternité est confinée et la présence des accompagnants des futures mères réduite au strict minimum.
«Depuis dix jours, il y a une poignée de sages-femmes qui alertaient sur la situation, mais on nous riait au nez. Moi, la semaine dernière, j’ai entendu une de mes patientes arriver de loin dans le couloir parce qu’elle toussait ! Et personne n’avait de masque ! Personne n’avait conscience, en fait. Vendredi soir, notre fête de service a été maintenue dans un bar à karaoké, même si on avait demandé son annulation.
On a cinq personnes arrêtées dans le service aujourd’hui, certaines peut-être pour le coronavirus. On ne sait pas. On sait qu’on va être malades, qu’il va falloir travailler dix fois plus. Désormais, c’est une personne à la fois par chambre, donc c’est la sage-femme la plupart du temps. Tant pis, on fera moins de procédures et d’informatique, on va faire de la médecine un peu de brousse s’il le faut, pour s’assurer que les mamans et les enfants vont bien.
Entre dimanche et mardi, il s’est passé tellement de choses… Jusqu’à vendredi, je trouve qu’il n’y avait pas assez de mesures, clairement. Samedi, les choses ont commencé à bouger et dimanche, les chefs de service ont commencé à mettre en place des chariots pour accueillir des femmes malades. La prise de conscience est arrivée là, avec le port de masque en permanence. Puis, lundi, tout a encore changé. Désormais, le père, ou toute personne accompagnante, peut être présent jusqu’à l’accouchement mais doit repartir après. Ils ne participeront pas au séjour du tout, ils rentreront chez eux et viendront chercher la maman et l’enfant devant la porte de la maternité. On les descendra. Les femmes vont donc être seules après la naissance et ça va être très dur, parce que les deux premiers jours sont très particuliers… La solitude avec son bébé, ça ne sera pas simple. Surtout qu’aujourd’hui, les pères sont très investis.
Si une patiente arrive avec le moindre symptôme de Covid-19, elle accouchera seule, sans accompagnant. On ne veut pas qu’il entre s’il peut être potentiellement infecté. On a déjà eu des cas de fièvre qui ont mené à cet isolement, mais on ne sait pas s’il s’agit du Covid-19, on ne les teste pas. »