15août 2021. La chaîne de télévision C8, détenue par Vincent Bolloré, propose pour la première fois une retransmission en direct de la messe, à l’occasion de l’Assomption, depuis le sanctuaire Notre-Dame-de-Grâces de Cotignac, à une heure et demie en voiture de Toulon. C’est l’évêque des lieux, Mgr Dominique Rey, qui célèbre dans ce haut lieu d’apparitions mariales qui se seraient produites il y a cinq siècles. L’opération est maline, au sortir des vagues successives de confinements contre la pandémie de Covid-19, durant lesquels les catholiques ont été privés de messe.
Sous l’œil des caméras, coiffé d’une mitre, Mgr Rey se livre à une longue homélie, éminemment politique. « Cotignac souligne le lien profond qui existe entre la France et la Vierge Marie, et plus particulièrement en ce jour où la mère de Dieu est vénérée par l’Église comme la patronne principale de la France », entame-t-il en douceur. Et le prélat de citer en latin l’adage « royaume de France, royaume de Marie », prononcée par le pape Urbain II au XIe siècle, ainsi que l’interpellation de Jean-Paul II au Bourget en 1980 : « France, fille aînée de l’Église et qui a engendré tant de saints, France es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? »
Face au règne de « l’individualisme narcissique » et des « communautarismes affinitaires qui fonctionnent en ghettos », l’évêque, issu de la communauté de l’Emmanuel (lire l’épisode 2, « Mgr Rey, le start-uppeur de l’évangélisation »), prône l’urgence de « faire nation » à nouveau. Mais pas n’importe quelle nation : celle qui revient à l’« âme de la France », c’est-à-dire « à son ciment chrétien, à son baptême, fondement de la communion ». « La nation également se construit et se reconstruit à partir de la famille, ajoute celui qui a été l’une des figures de proue de la Manif pour tous. Premier lieu d’édification de l’humain, d’enracinement, de socialisation, mais aussi de sanctification du quotidien. »
Plus loin, après avoir très brièvement condamné le « nationalisme », Mgr Rey s’en prend au « mondialisme » : « On voudrait ériger un paradigme unique, celui du marché, de la santé, de l’environnement ou de la technoscience. Imposer un mainstream, un formatage, voire un “flicage” hygiénique et écologique. Un pouvoir technocratique mondial de contrôle et d’injonction sociétale cherche à se mettre en place et voudrait nous infantiliser. Une nouvelle forme de totalitarisme (nouveau César) pour prendre la place de Dieu avec le projet de reconstruire une humanité nouvelle et de réinitialiser le monde. » Dans ce verbiage cryptique, les clins d’œil à la théorie du complot du « Great Reset » (« grande réinitialisation ») portée par les milieux libertariens, traditionalistes et d’extrême droite aux États-Unis puis en France, n’auront pas échappé aux conspirationnistes aguerris.