Quand on le lance sur la politique, Khalilou se révèle intarissable. « Je connais un peu, je m’y intéresse », sourit-il quand on le lui fait remarquer, accoudé à l’étal de ce snack de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine. Pas mécontent de papoter d’autre chose que de la chaleur, le vendeur de 31 ans confie n’être surpris ni par les résultats des élections européennes du 9 juin dernier ni par les prévisions des législatives plaçant le Rassemblement national (RN) en tête. « Ça fait longtemps qu’on sent cette montée, affirme Khalilou, qui reste plutôt positif. C’est triste mais les gens vont se rendre compte quand ils couperont les droits sociaux. L’extrême droite, quand on l’essaye, ça ne fonctionne pas. En Italie, Meloni a reculé ; en Argentine, les gens se révoltent. » Pour l’instant en France, il trouve que c’est « un peu compliqué ». Il dit ressentir plus qu’avant « les petites insinuations du quotidien » dues à sa couleur de peau. Mais la crainte principale de Khalilou, ce sont les armes à feu. « Heureusement qu’on n’est pas en Amérique, soupire-t-il. Parce que sinon, avec le RN au pouvoir, on se ferait tirer dessus. » La conversation dérive immédiatement sur Nahel M., cet adolescent de 17 ans abattu à Nanterre, à quelques encablures de là, par un policier après un refus d’obtempérer. C’était il y a un an jour pour jour. « Le flic est libre et a récolté un million et demi d’euros grâce à la cagnotte des fachos. Franchement, il y a rien qui va. »
À quelques centaines de mètres du snack se dressent les barres d’immeubles et les tours cylindriques de la cité Pablo-Picasso, percées de fenêtres rondes et tachetées de motifs censés figurer des nuages et des arbres.