Attablé au bar Le Central de La Ferté-Gaucher, en Seine-et-Marne, Robert Bony feuillette un Télé 7 jours et sirote un café. En face, Évelyne Nespoux écaille à coups de pièce d’1 euro des jeux à gratter qui en coûtent 5. Lui a 76 ans et en a écoulé quarante-quatre comme mécanicien poids lourd. Elle, 80 ans, en a passé une partie à élever ses fils et le reste à se « faire entretenir », dit-elle en riant. Il y a trois décennies, Évelyne Nespoux a finalement divorcé puis a rencontré Robert Bony. Elle raconte une histoire qui n’allait visiblement pas de soi, il bougonne gentiment en rectifiant des détails. « On n’a pas pu avoir d’enfants, regrette-t-elle. Les machines étaient déjà cassées. »
Aujourd’hui, ils vivent ensemble à La Ferté-Gaucher, 4 800 habitants, des maisons à colombages, des rues tranquilles et quelques immeubles, le tout enclavé dans le nord du département. Robert Bony trouve que leur ville a changé : il décrit ces vitrines qui ferment de plus en plus et rouvrent de moins en moins et ces fins de mois devenues compliquées. Ici, le revenu médian est moindre que dans le reste du pays et le taux de chômage deux fois et demi plus élevé. Robert Bony perçoit 1 600 euros de retraite mensuelle, Évelyne Nespoux environ la moitié. « J’ai travaillé toute ma vie, j’en ai marre de me faire taxer et que rien ne se fasse », glisse le septuagénaire. Sans conviction, surtout parce qu’ils en ont