C’était un adieu public et intime. Mardi, Barack Obama disait au revoir à tout un pays, et c’est comme s’il parlait à l’oreille de chacun. 20 000 personnes étaient à Chicago mardi pour écouter son dernier discours de président, orchestré comme une séquence hollywoodienne. Joy Clendenning, qui fait partie des habitants de Chicago que Les Jours ont suivis pendant un mois avant l’élection présidentielle qui a mené Donald Trump au pouvoir, avait enfilé un sweat-shirt estampillé « Obama ». Elle a même fait un selfie avec sa belle-sœur Kara, vêtue du même sweat bleu, alors qu’elle n’a jamais le réflexe de dégainer son antique mobile pour faire des photos. Le cliché est flou mais toutes deux sourient à ce moment d’histoire.
Joy est blanche et habite Hyde Park, un quartier très divers, un îlot dans la ville de Chicago où la ségrégation demeure très visible. Hyde Park, dans le South Side, c’est aussi le quartier d’Obama. La plupart de mes interlocuteurs l’avaient déjà croisé, au square avec ses filles, sur le bord du lac, en plein jogging, à des réunions… « C’était vraiment le gars du quartier, quelqu’un qui vivait parmi nous, m’avait expliqué Martha Scott, la belle-mère de Joy et Kara, une charmante féministe de 74 ans. Quand il a gagné, c’était exaltant, on se souriait tous. » La maison qu’il y a achetée (cachée derrière des grands arbres) se situe non loin de celle de Louis Farrakhan, le leader de Nation of Islam, ou du siège de l’organisation du révérend Jesse Jackson. C’est aussi là où sera construite la future bibliothèque érigée en son nom qui abritera ses archives de président.
Joy Clendenning n’a rien d’une groupie. Elle reproche à Obama de n’être pas assez radical et de ne pas avoir lutté assez activement pour les écoles publiques et, au-delà, contre la ségrégation raciale. Elle appréciait encore moins Hillary Clinton pour qui elle a tout de même voté, en se pinçant le nez : « Trump est tellement horrible, m’avait-elle expliqué avant le scrutin, ce sera un vote contre. Parfois je ris de lui, mais je ne suis pas musulmane, je ne suis pas afro-américaine, pas latinos, je suis donc parmi les plus protégés. » Mais samedi dernier, elle a quand même fait la queue pendant plusieurs heures pour décrocher un billet (gratuit). Dès 5 heures du matin, les rames du métro étaient pleines. Sur place, me raconte-t-elle, les files d’attente gigantesques étaient battues par le froid venteux de Chicago.