Au bout de la sixième prolongation, ça devient un peu compliqué de trouver un titre et un premier paragraphe. Mettez-vous à ma place : un an, sept mois et vingt-trois jours que l’état d’urgence est en vigueur et ce jeudi, le Parlement a voté une nouvelle prolongation jusqu’au 1er novembre. Aux Jours, je ne récolte plus que des regards de commisération. Ça chuchote dans les (vastes et luxueux) couloirs. « La pauvre, on a tous avancé dans la vie et elle est restée coincée. » À intervalles réguliers, je dois me fader des heures d’Éric Ciotti en streaming, de « motions préalables de rejet » et d’amendements « repoussés sur avis défavorable de la commission et du gouvernement ». Jusqu’à la lie.
Oui, mais cette fois les gars, c’est la dernière. Gérard Collomb l’a juré, ânonné sur tous les tons, claironné sur tous les toits et je crois toujours Gérard Collomb, car il est ministre de l’Intérieur et le ministre de l’Intérieur ne ment jamais. Il est temps d’amorcer une « sortie maîtrisée » de l’état d’urgence. Ciao, encore trois mois et demi et c’est terminé. Certes, il devait être levé l’an dernier, après l’Euro, mais il y a eu l’attentat de Nice. Bien sûr, il devait prendre fin le 15 juillet de cette année, une fois passée la période électorale, mais l’attentat de Manchester a bouleversé ce plan. Il devait rester exceptionnel et a pulvérisé le record de la guerre d’Algérie, mais ne sommes-nous pas dans une nouvelle forme de guerre protéiforme et insaisissable qui justifie d’allouer à la lutte antiterroriste des moyens inédits qui… je m’égare, Manuel Valls couine encore dans mon oreille.
Si on ne proroge pas l’état d’urgence, il faut avoir des mesures qui sont celles de l’état d’urgence pour que ça marche.
Le 1er novembre donc, il est prévu que l’état d’urgence laisse la place à une loi antiterroriste votée d’ici là (lire l’épisode 25, « Macron propose un CDI à l’état d’urgence »). Fin de l’exception, retour à la normale. Enfin, presque. Le texte a la particularité de copier les mesures de l’état d’urgence mais pas tout à fait, en les rebaptisant, certainement à des fins esthétiques. La perquisition administrative doit devenir une « visite » et l’assignation à résidence, une « surveillance ». On a le temps de réviser ensemble le vocabulaire, le texte doit passer devant le Sénat les 18 et 19 juillet, et en octobre à l’Assemblée nationale. En somme, résume mercredi le sénateur Michel Mercier – ancien garde des Sceaux de François Fillon et désormais Marcheur tendance Bayrou –,