The Beatles, Now and Then, tiré de la compilation 1967-1970 (Calderstone Productions/Universal, 2023)
Il y a deux étés, nous avions publié dans Les Jours une enquête sur ABBA, le groupe qui ne voulait pas mourir. Elle racontait comment le quartet suédois, séparé en 1982, a développé une stratégie pour revenir dans les oreilles de chaque nouvelle génération depuis les années 1990. C’est à travers ce même mécanisme qui mêle nouveauté technologique et nostalgie qu’il faut écouter Now and Then, la poussive « dernière » chanson des Beatles (jusqu’à la suivante, on y revient en face B avec un scoop énorme). C’est une petite chanson mélancolique qui tient sur une mélodie qui semble se chercher elle-même, mais elle n’est pas là pour être brillante. Et tant pis si elle se retrouve à la fin dans toutes les listes des moins bonnes chansons du groupe anglais, à côté de Dig It et Ob-la-di, Ob-la-da.
Now and Then existe surtout parce que Paul McCartney en a fait une obsession revenue sans cesse dans ses interviews depuis 1995, quand les Threetles restants avaient tenté de faire quelque chose de cette démo laissée par Lennon à l’occasion de la sortie des trois copieux volumes de l’Anthology en 1995. À cette époque, les déjà oubliables Free as a Bird et Real Love avaient été alors sauvés par le génie informatique, mais Now and Then était vraiment trop rachitique. La technologie de l’époque ne permettait pas d’utiliser proprement la voix de Lennon noyée dans le piano sur la cassette d’origine. McCartney avait bien insisté pour que le groupe tente sa chance, avant que George Harrison ne débranche cette piste en estimant que Now and Then, Lennon ou pas Lennon, était surtout « de la camelote ». En 2023, George Harrison est mort depuis plus de vingt ans et comme Ringo Starr dit toujours oui, rien n’empêchait plus Paul McCartney de finir enfin cette chanson dont il ne pouvait se défaire parce qu’elle représente une chance de plus de travailler, même à distance et à travers la mort, avec John Lennon, qui fut son double musical autant qu’un vrai ami
Get Back, c’est l’autre raison pour laquelle Now and Then existe aujourd’hui.