
Rien Virgule, La Consolation des violettes (Permafrost / La République des granges / Zamzamrec / Murailles Music, 2021)
Voici le disque français le plus impressionnant de cette fin d’année, qui surgit là où l’on attendait un grand vide de la part de Rien Virgule, groupe bordelais sans visages et sans mots en dehors de sa musique. Car, juste après la publication de son album précédent en 2019, le déjà remarquable Le Couronnement des silex, le quatuor a perdu un de ses membres, Jean-Marc Reilla, son faiseur de sons qui manipulait la matière musicale en studio comme sur scène où Rien Virgule était alors une aventure de spectateur incroyable. On pouvait légitimement se demander comment une équipe aussi unie pouvait se relever de ça et La Consolation des violettes est la plus magistrale des réponses : par la musique, plus passionnante et profonde que jamais.
Puisqu’il faut lâcher des pistes pour décrire le travail du désormais trio bordelais (Mathias Pontévia, Anne Careil, Manuel Duval), on pourrait empiler les aventures rythmiques à rallonge du krautrock allemand des années 1970 (on en reparle en face B), les collages sonores hérités de la musique concrète, la pop déstabilisante de Björk époque Vulnicura ou de The Knife, plus une tension qui lorgne vers le glam voire le black metal sans violence sonore. C’est déjà toute une aventure, qu’attaque d’entrée de jeu Apache, gouffre de mélancolie de douze minutes qui revendique fièrement la continuité totale avec le Rien Virgule à quatre. On y pénètre comme dans un immeuble à l’abandon, il y a des crépitements magnétiques inquiétants et un synthétiseur qui occupe mollement l’espace en jouant une lente marche. Puis il laisse entrer la voix unique d’Anne Careil, qui chante dans une langue toujours difficile à identifier (mais souvent en italien) comme on entre dans une cathédrale un jour de gloire. Dès lors, on sait que Rien Virgule est toujours Rien Virgule, que le groupe a trouvé une façon de fonctionner à trois. Mieux, les mille objets sonores et perturbations électro-acoustiques qui faisaient l’épaisseur de leurs débuts et qui sortaient largement des mains de Jean-Marc Reilla sont toujours là. Le groupe n’a rien lâché, mais il a aussi avancé.

Bien sûr, La Consolation des violettes est quelque part un disque d’au revoir, mais pas seulement. Heureusement. Il n’a d’ailleurs pas choisi son titre par hasard, celui-ci est tiré d’un poème japonais du XVIII