
Lil Nas X, Montero (Columbia Records, 2021)
Il y a une catégorie d’artistes un peu embêtants qui reviennent encore et encore quand on écrit sur la musique : ceux qui sont plus intéressants que leur musique. Ceux qui ont plein de choses à dire, qui donnent des interviews intelligentes mais se rangent tranquillement dans la moyenne artistique dès que l’on se lance dans le dépiautage de leur production. L’Américain Lil Nas X fait indéniablement partie de cette catégorie et, avec son premier album Montero, il en serait même le grand champion pour ce début de XXIe siècle qu’il habite merveilleusement.
Né Montero Lamar Hill en 1999 en Georgie (d’où le nom de son album), Lil Nas X n’est pas sorti d’un garage d’un coup fin 2018 lorsqu’il a publié sur internet sa chanson Old Town Road. Depuis plusieurs années, il s’était insinué dans tous les recoins viraux de l’internet, sautant de réseau social en vidéo sur Vine ou Facebook, se faisant connaître comme agitateur et créateur de mèmes. C’est exactement ce qu’était Old Town Road, une chanson au texte et à la mélodie frontalement country, mais entrechoquée avec une basse bondissante et des trilles 100 % trap qui la connectait tout aussi naturellement au rap de l’époque. Old Town Road était ainsi deux choses en même temps et ce n’était pas le premier croisement entre la country et le rap, mais voir un Noir à cheval chanter de la country c’était encore trop pour 2018 et Lil Nas X a eu droit à tous les soulèvements conservateurs prévisibles. C’était oublier l’histoire effacée des cow-boys noirs, ce que la country doit aux musiques noires (minstrel shows, blues, jazz…) et à quel point les musiques se mélangent aujourd’hui, mais Lil Nas X était sûr de réveiller les vieilles lunes de chaque camp avec un geste comme ça.

Comme le garçon est malin, il a retourné tout le monde en revenant avec la même chanson remixée et offerte à Billy Ray Cyrus, gloire country difficile à accuser de trahir le genre (et père de Miley Cyrus, autre transfuge musical au passage). Désormais blindé de tous les côtés, Old Town Road a pu défoncer tous les records pour finir par déloger Mariah Carey, Boyz II Men et Despacito du record de semaines passées en tête des ventes aux États-Unis.