Serpentwithfeet, Deacon (Secretly Canadian, 2021)
Peut-on être déçu qu’un musicien aille mieux ? C’est une question qu’un auditeur se pose régulièrement quand, après avoir plongé corps et âme dans le gouffre des émotions amoureuses déçues ou des drogues créatives creusé par un musicien, c’est tout d’un coup la lumière et le plaisir de vivre qu’il expose au grand jour. Deacon, le deuxième album de l’Américain Serpentwithfeet, 32 ans, renouvelle ce vieux dilemme en jouant une musique à l’opposé complet de son prédécesseur, le remarquable Soil paru en 2018. Tourbillon de soul électronique noire, ce débarquement était alors un disque trempé dans les larmes, les ruptures dramatiques et les meubles jetés par la fenêtre. Soil était un pur disque de soul à chialer mais aussi un disque rénovateur du genre, où la voix très pure de Serpentwithfeet se débattait pour ne pas se laisser submerger par un labyrinthe de son qui ajoutait à l’épuisement des sentiments.
Josiah Wise dans le civil, Serpentwithfeet a décidé de tout inverser pour Deacon, d’enregistrer un disque qui s’interdit les chansons de rupture et les déceptions pour célébrer plutôt les joies et ce qui marche. C’est la lumière après la nuit, dans un élan biblique totalement assumé dès le titre du disque Deacon, diacre en français, où Wise revendique la position de cet assistant de l’église, petite main humble chargée de faire tourner les rouages de l’église chrétienne.