De Marseille
Pascal Brun a deux boucles à l’oreille et un tee-shirt Black Sabbath. L’autre jour, il est allé voir Trust en concert à Toulon et a grimacé quand le groupe de hard rock, historiquement engagé contre le FN, a voulu évoquer la question. Selon lui, la moitié de la salle a râlé sur le thème « on n’est pas venus pour ça ». « Et ce n’étaient pas des nazis, relève le syndicaliste. C’est juste qu’une forme de banalisation s’est installée dans un inconscient collectif. Et c’est le plus inquiétant. » À mesure que le Front national monte, la mobilisation militante baisse : voilà le paradoxe contre lequel Pascal Brun tente de lutter, dans cette région de Provence-Alpes-Côte d’Azur où le FN se bâtit un fief. Et ce n’est pas évident : « C’est un travail ingrat. On se bat, on se bat, et on voit d’élection en élection que ça ne recule pas. Eux, ils ont une dynamique, une présence médiatique, une force militante. »
Pascal Brun anime avec d’autres la Codex 83, la Coordination départementale contre l’extrême droite, qui regroupe certains collectifs installés dans les municipalités « occupées » par le FN – on en compte trois dans le Var (Fréjus, Cogolin, Le Luc). Il vient de sortir le numéro deux de leur petit journal, histoire de « démontrer qu’ils ne sont pas plus propres qu’ils le prétendent, et que ce qu’ils font dans les mairies est contraire à leur discours ». Mais la tâche est rude, nous explique-t-il dans les locaux du syndicat Solidaires à Toulon. « Son électorat s’en fout que le Front ait des casseroles. Il a été convaincu du “tous pourris” depuis des années par le FN, et il estime que les élus du Front, c’est pareil. Tout ce que pense cet électorat, c’est qu’avec le FN, on va foutre les Arabes dehors. Les “islamistes”, comme ils disent. »
On était 250 à faire les marchés, des actions toutes les semaines. Il y avait une vraie réactivité, une volonté de se débarrasser du Front. Aujourd’hui, il y a une sorte de fatalisme. Quand on se réunit, on est quinze à vingt.
Le 8 octobre, quand le FN a organisé une manif anti-migrants à Pierrefeu-du-Var, la contre-manif pro-réfugiés n’a pas fait le poids. « On était 300, eux 800. Ils avaient fait venir des cars de toute la région », indique Pascal Brun. Il fut de Ras l’front en 1995, en lutte contre le parti qui avait conquis Toulon. À l’époque, ça turbinait.