De Marseille
Il y a Gilles, ex-chauffeur routier, Isabelle, assistante de direction, Marie, dermatologue à la retraite, Sylvie, femme de ménage, et Louise, 60 ans, mère au foyer, qui raconte sa première fois : « J’ai voté un peu avec le mal au cœur. » Mais elle s’est dit « tant pis hein, tu te lances puis tu verras bien ». Depuis, Louise voit : « Ceux qui disent qu’on est fascistes, c’est que c’est eux qui le sont, c’est pas nous, hein ! » Pour Éric, 47 ans, artisan, voter FN permet de « moins ronchonner » dans son coin : « C’est un peu comme un psy. Voyez, ici, tout le monde pense comme moi, je me dis : “Je suis pas fou !” » Avant, avec sa femme, dans leur cuisine, ils répétaient : « Ça, ça va pas ! Ça, ça va pas ! » Avec le FN, « tout ce qu’on dit, au lieu de le dire à la maison, on construit […], on n’est plus dans la revendication ». Tous ces personnages peuplent le livre riche et décapant que l’universitaire Christèle Marchand-Lagier consacre aux électeurs du FN, dans un exercice de « sociologie localisée ».
La chercheuse ne dégage pas une vision globale ; au contraire, elle scrute le local, ayant interrogé des électeurs depuis 1998 en Vaucluse et dans les Bouches-du-Rhône. Acquis au poujadisme dès les années 1950 – Poujade y réalisa ses meilleurs scores –, le Vaucluse est aujourd’hui devenu terre bénie pour le Front national, où il tend à prendre la place d’une droite autrefois toute puissante mais dont les caciques ont très mal géré le passage de relais.