De Marseille
On les trouve campés devant le Dôme, la salle marseillaise qui a accueilli mercredi soir le dernier meeting de Marine Le Pen. Une première pour André, 61 ans, et Marie, 57 ans. Ils racontent qu’en 2002, quand Le Pen (père) s’est qualifié pour le second tour, ils sont descendus dans la rue contre lui. Cette fois, ils s’apprêtent à voter Le Pen (fille). « Le contexte a changé », explique André, qui travaille dans la formation et se dit « vraiment indécis ». Marie, employée de libre-service, voulait voter Fillon, après Sarkozy à la primaire de la droite. « Là, je ne peux pas. Trop de casseroles. » Ils sont là « par curiosité ». Il y a cinq ans, le couple était venu voir Mélenchon. « Il s’est passé tellement de choses depuis : les attentats… », raconte Marie, avant de lâcher, dubitative : « On essaye de faire un vote intelligent. »
André a voté à droite quand il était militaire de 1975 à 1987, puis à gauche, et Sarkozy en 2012. « Je l’ai influencé », rigole Marie. Le Pen ne leur fait pas peur. « Son côté raciste ? Ça a toujours été, dit André. On est à Marseille, ville cosmopolite. Pour la garder ainsi, il faut des valeurs, que la société punisse les gens qui font les idiots. » Le couple, originaire du Nord et arrivé à Marseille il y a 28 ans, ne se sent pas en sécurité dans les rues et veut que la justice serre la vis : « Y aura plus de répression avec Marine Le Pen. » Marie n’a pourtant jamais été agressée et prend le métro tous les jours sans angoisse. Mais le petit supermarché où elle travaille a été braqué deux fois en un an et elle y essuie des insultes « d’une certaine population », dit André. « On est à la merci des petites frappes, assure Marie. Ils se baladent l’été à la plage avec leur bracelet électronique. Avec Marine, les peines ne seront pas les mêmes. » Elle se dit sûre à 70 % de voter Le Pen, même si « vous ne pouvez pas mettre à la porte tous les étrangers ». André, à 50 %, et « avec cet événement hier [mardi], ça refait pencher la balance pour elle », glisse-t-il, en référence à l’interpellation à Marseille de deux hommes soupçonnés de vouloir préparer un attentat dans un meeting de la présidentielle. Mais rien n’est facile, constate André : « Marine dit qu’il faut renvoyer chez eux les fichés S, mais ces deux-là, ils sont français. »
À côté d’eux, Gilbert, 63 ans, barquette de frites en mains, intervient pour assurer, à propos de ces interpellés dont la cible reste inconnue : « Ils sont venus pour nous avoir, nous. C’était pas pour Fillon. Il ne restait qu’un meeting, le nôtre. » Ce chauffeur d’engins à la retraite vote FN depuis plus de trente ans et rigole quand certains le traitent de « nazi » : « Dans ma famille, 28 personnes ont été tuées par les Allemands et je vote FN. Alors ? » Pour lui, l’équation est autre : « Nos hommes politiques ne pensent qu’à l’argent, ils ne s’occupent pas des gens d’en bas. Et après, ils s’étonnent que les extrêmes montent ! » Qu’importe si Marine Le Pen est une bourgeoise de l’Ouest parisien : « OK, c’est une bourgeoise, mais elle s’occupe des gens d’en bas. »