De Marseille
Peut-on progresser et être déçu ? Oui. C’est le destin du Front national en Provence-Alpes-Côte d’Azur : il a gagné des voix et des positions dimanche, mais moins que ce qu’il espérait. Et parfois, il n’a pas retrouvé tous ses électeurs, comme dans l’une de ses places fortes, le Vaucluse. 95 000 personnes y ont glissé un bulletin Le Pen, contre 115 000 au second tour des régionales en 2015. Où sont passés ces 20 000 manquantes ? Certes, il est difficile de comparer un premier et un second tour. Mais en 2015, l’abstention atteignait dans le département 18 points de plus qu’en 2017. Dimanche, plus de gens sont venus aux urnes, moins ont voté FN.
Néanmoins, par rapport au scrutin présidentiel de 2012, le Front national est en progression partout. Il vire en tête dans cinq des six départements de Paca (seules les Hautes-Alpes y échappent), pour un score de 28,2 % sur la région (contre 23,9 % en 2012), soit un gain de 125 000 électeurs en cinq ans. Marine Le Pen arrive en tête dans des villes de droite (Toulon, Menton), dans d’autres tenues par le PC (Arles, Martigues, Gardanne), le PS (Vitrolles, Fos-sur-Mer, Miramas) ou des « divers gauche » (Draguignan, La Seyne-sur-Mer). L’avancée est notoire dans le Var (30,4 %, soit six points gagnés depuis 2012). Dimanche soir, ici, les militants faisaient pourtant plutôt la tronche (lire l’épisode 8, « En Paca, les frontistes font la fine bouche »), vexés de se retrouver deuxièmes au plan national, alors que les sondages les donnaient durant des semaines en tête. Cerise sur la déception, les deux villes importantes de la région, Avignon et Marseille, ont placé Mélenchon en tête.
« Il y a une progression du vote FN mais elle n’est pas fulgurante, et Marine Le Pen pensait mobiliser beaucoup plus au premier tour. Surtout, en arrivant deuxième, elle n’est pas en dynamique », analyse l’universitaire Christèle Marchand-Lagier, qui étudie l’électorat lepéniste en Vaucluse (lire l’épisode 6, « Pourquoi les électeurs touchent le Front »). Même en Paca, où le parti dépasse régulièrement les 25 % depuis près de trente ans, un score de 28 % n’a rien d’historique. En fait, remarque la chercheuse, dès que la participation se renforce, le FN progresse plus lentement. C’est quand elle baisse qu’il augmente ses scores. Avis à ceux qui iront à la pêche le 7 mai : ils feront mathématiquement le jeu du Front.

Pour le politiste Joël Gombin, le parti s’est retrouvé « prisonnier de son récit de dédiabolisation, de premier parti de France » : « Ils ont tellement bien réussi à imposer ce récit qu’au final, être en deçà apparaît comme une déception », alors qu’il y a une progression « nette ».