Peut-on rire de tout ? « Ah pitié, les Garriberts, ne nous dites pas que vous avez lancé une série pour ça ? » Nan mais ho, ça va pas recommencer, ces intrusions des lecteurs dans nos propres articles. Donc oui, on peut rire de tout, la preuve : Éric Zemmour, poil aux Ouïghours. Alors certes, ce n’est peut-être pas là une marrade de grande qualité mais a-t-on vraiment les moyens de faire les difficiles en ces temps de disette zygomatique ? Ces temps sombres d’une campagne présidentielle désespérante dont le barycentre (pour citer cette grande mathématicienne de Valérie Pécresse) se situe quelque part entre l’extrême bras droit de Marine Le Pen et l’extrême orteil droit d’Éric Zemmour
C’est avant même d’apprendre lundi dernier le soutien de Jacques Cheminade à la candidature de Georges Kuzmanovic que nous avons eu l’idée de raconter cette si plombante élection présidentielle en nous amusant. Parce que c’était ça ou tout quitter pour s’installer dans un lointain archipel dépourvu d’accès à internet et à Touche pas à mon poste afin de vivre dans un monde où, à l’orée de son second mandat, le président Hamon flanqué de Floki, premier chat de France, annoncerait le passage aux 32 heures (par mois) et où Éric Zemmour ne serait qu’une petite chaîne de salons de coiffure du sud de la France.
Prenons d’abord Anne Hidalgmuoij,klm:ù=,:klù. Bon d’accord, on s’est légèrement assoupis sur notre clavier. Plutôt Arnaud Montebourg alors. Ne le niez pas, déjà, un sourire s’esquisse sur vos lèvres. Montebourg qui « offre sa candidature » à une union de la gauche comme d’autres offrent leur corps à la science (et ça coûte également un rein puisqu’il présenterait à qui le récupèrerait une facture de près de 100 000 euros pour sa campagne jusqu’à présent, selon Le Monde). Placée d’emblée sous le signe du rire avec son slogan « La remontada de la France », la candidature d’Arnaud Montebourg a atteint son acmé le 10 décembre quand il s’est fait filmer en train d’appeler chacun des autres candidats de gauche pour leur proposer son deal. Mélenchon, Hidalgo, Jadot, Roussel : boîte vocale à chaque fois. Et chaque fois, le même regard dans le vague façon petit chien à trois pattes devant la cage duquel nul ne s’arrêtera à la SPA quand Montebourg tombe sur le répondeur de l’interlocuteur qui s’est dit « Ah merde, Montebourg, je réponds pas ». Et à chaque fois, le même message abandonné dans l’espace numérique où personne n’a envie d’entendre Arnaud Montebourg crier : « Bonjour, Jean-Luc/Anne/Yannick/Fabien, c’est Arnaud Montebourg… » La même invite à se rappeler « dans la journée » conclue par les mêmes « amitiés ». L’affaire s’est soldée par une autre vidéo résumant les deux claquages de beignet signés Mélenchon et Hidalgo. Puis par une ultime, mercredi 19 janvier, tournée depuis Bibracte, site gaulois d’où Arnaud Montebourg, champion du « made in Gaule », a annoncé son retrait de la présidentielle, « confiant » ses idées cette fois, au lieu de sa candidature, « à toutes celles et ceux qui voudront s’en emparer ». Il a eu un petit sourire contrit et un vent glacial a soufflé dans le micro. On aura quand même bien ri, avouez.
Presqu’autant qu’avec Anne Hidalgo, il faut bien le dire, la candidate soczzzzzzZZZzzz. Non, on ne dormait pas. On réfléchissait les yeux fermés, c’est tout. D’accord, Jean-Luc Mélenchon. D’autant que c’est lui, certainement, qui a déclenché cette série. Un meeting non seulement « immersif » mais en plus « olfactif » : alors ça, si c’est pas une mission pour notre flair journalistique, c’est à n’y plus rien comprendre. Enfin nous allions sentir l’odeur de la colère, voire quelques renvois d’enfants mal digérés (vous le saviez, n’est-ce pas, que Jean-Luc Mélenchon mange des enfants ?). Alors bon, nous devons à la déontologie journalistique cet aveu : devant les chaînes info, la dimension odorama du bouzin organisé le week-end dernier à Nantes nous est passée carrément sous le nez, mais notez que nous ne sommes pas les seuls puisque les spectateurs sur place ont tous fait ce constat, ils ont senti walou, les masques FFP2 distribués à tous les participants ayant sans nul doute à voir avec cela. Sinon, eh bien c’était joli, ces images projetées sur les quatre murs de la salle, l’espace, le numérique, la mer, et au milieu Mélenchon en satellite autour d’une table ronde, distribuant saillie sur saillie.
Et soudain, levant les bras au ciel alors que déferlaient dans son dos des embruns de pixels, il a lancé : « Thalassa ! » Alors qu’on le voyait bien enchaîner avec « Des chiffres et des lettres ! », « La chasse au trésor ! », « Faut pas rêver ! » et autant de titres d’émissions métaphoriques de sa politique à venir, nos maigres notions d’espagnol nous ont rappelé que c’est en fait la déesse de la mer qu’invoquait ainsi Mélenchon, et pas feu Georges Pernoud. Mais le plus rigolo de l’affaire, ça a quand même été la pâmoison générale post-meeting des chaînes info, d’habitude plus promptes à pendre Mélenchon avec les tripes de Nathalie Arthaud, et dont on a bien cru, vu leur état de ravissement, qu’elles s’apprêtaient à déclencher une édition spéciale « La Commune 2022 » en montant des barricades sur leur plateau et en dégainant sur leurs bandeaux déroulants les meilleures citations de Louise Michel. Ça n’a pas duré.
Heureusement que, pour la rigueur journalistique et le respect de la déontologie, on peut toujours sortir Lolo Delahousse. Samedi 15 janvier, il recevait Christiane Taubira en son 20 heures weekendatoire et ce jour-là, Lolo a sa mèche des mauvais jours. Tout le journalisme de Delahousse tient dans cette mèche qui réfléchit la lumière et dans laquelle viennent se mirer ses invités, portés par les circonvolutions de ses questions destinées à les enduire d’une onctueuse pommade promotionnelle. L’exercice vaut le plus souvent pour des artistes, et on n’oubliera jamais cette acmé en 2013 quand, face à Maxime Leforestier, Lolo lui lança, d’un air pénétré : « Elles sont où les maisons bleues, aujourd’hui dans le monde ? » Mais l’art de la maïeutique delahoussien s’applique aussi aux politiques et on lui doit ainsi une douce déambulation dans l’Élysée avec Emmanuel Macron en 2017, bercée de ses questions à circonvolution auxquelles on peut bien répondre n’importe quoi
M’accusez-vous d’être orgueilleuse, monsieur Delahousse ?
Mais ce 15 janvier, le cheveu est hirsute, hérissé, le reflet de la mèche est bistre : Lolo n’est pas content, c’est le bordel à gauche. « Vous aviez quatre ans à gauche, madame Taubira, lance-t-il, excédé. Quatre ans pour préparer une primaire, pour tenter de rassembler, pour tenter de débattre et d’avoir une ou deux candidatures. À 85 jours de la présidentielle, vous voilà candidate. Comprenez qu’un certain nombre d’entre nous, les Français qui votent à gauche
Mais voilà que nous n’avons parlé que de la gauche