«Je voudrais remercier les Français. Beaucoup étaient très inquiets de notre capacité à tenir des réunions. Or, ces réunions se sont déroulées dans des conditions d’ordre public exemplaire. Elles ont fait honneur à leurs participants et à notre pays en étant très loin des exemples de violence que d’autres se complaisent à donner chaque samedi. » Il est un peu plus de midi, ce lundi 8 avril. Le Premier ministre Édouard Philippe est à la tribune, dans le salon d’honneur du Grand Palais, pour clore la séance de restitution du grand débat. Mais soudain, un homme venu de nulle part qui a réussi à déjouer les contrôles le contraint à s’interrompre, en criant : « Emmanuel Macron doit être jugé pour haute trahison. Il y aura un procès. Il faut la VIe République ! » Le perturbateur est rapidement évacué par le service de sécurité, permettant au Premier ministre de reprendre la parole pour, ironiquement, de nouveau remercier « tous ceux qui ont choisi de faire en sorte que toutes les réunions se passent dans l’ordre et dans l’écoute ».
Vociférations contre ton posé, volonté de tout contrôler d’un gouvernement qui échoue devant une contestation surprise… L’incident est vraiment symbolique de ce que vit la France depuis quelques mois avec le mouvement des gilets jaunes. Et si on s’y attarde, c’est que, depuis le début du grand débat, le gouvernement a tout fait pour éviter le moindre grain de sable en encadrant au maximum le processus (comme on l’a déjà raconté) : questions biaisées, éviction de Chantal Jouanno, la présidente de la Commission nationale du débat public, découpage du grand débat en plusieurs dispositifs (plateforme internet, réunions locales, conférences citoyennes…) sans lien entre eux pour éviter l’expression d’une parole citoyenne forte… Du coup, malgré ce « dispositif démocratique inédit », dixit Édouard Philippe, la contestation a continué à s’exprimer chaque samedi dans la rue, et parfois de manière violente.
Dès le début de la séance de restitution, on s’est rendu compte que cette volonté de tout contrôler était encore à l’œuvre. Rien que la composition de la salle est parlante : aucun gilet jaune mais des ministres, des députés de la majorité, quelques participants aux conférences citoyennes et, surtout, des hauts-fonctionnaires en costume-cravate à qui le gouvernement a demandé de venir en nombre pour faire la claque. L’ambiance est très loin de la France