Depuis des lustres, les gendarmes attendent que les langues se délient dans la vallée de la Vologne pour élucider l’assassinat de Grégory Villemin. Les indices matériels n’ont pas parlé, ni les traces génétiques, ni les empreintes digitales, pas plus que les expertises vocales des enregistrements des corbeaux, qui ont harcelé les parents et les grands-parents de Grégory pendant des années (lire l’épisode 1, « Les corbeaux »). Et la témoin-clé, Murielle Bolle, 15 ans en 1984, la belle-sœur de Bernard Laroche, a effacé ses premiers aveux (lire l’épisode 5, « Murielle, celle qui sait »). Au mois de mai 2017 cependant, les enquêteurs reprennent espoir avec la découverte d’une inscription sur le cahier de l’église de Lépanges-sur-Vologne destiné aux fidèles : « C’est bien Bernard L. qui a tué Grégory j’étais avec lui », signé « Murielle Bolle, 13 mai 2008 ». La dame du catéchisme, qui est tombée par hasard sur cette phrase énigmatique, les a alertés. S’agit-il d’une confession tardive de Murielle Bolle ? Cette femme aujourd’hui âgée de 48 ans, mère de trois enfants et compagne d’un fromager, a-t-elle, selon l’expression d’un enquêteur, « possiblement envie de soulager sa conscience » ?
Les gendarmes veulent d’abord s’assurer que ces mots ont bien été tracés par Murielle Bolle. Car, depuis le début de cette affaire, les écrits anonymes ne se comptent plus. Discrètement, le registre paroissial de Lépanges est transmis au laboratoire du professeur Doutremepuich, à Bordeaux, qui détecte six ADN différents près de la reliure du livre de l’église. L’expert en biologie les compare aux ADN de protagonistes du dossier Grégory déjà engrangés fin 2009 : l’un d’eux correspond à l’empreinte génétique de Murielle Bolle enregistrée à cette époque ! Pour en avoir le cœur net, les gendarmes se rendent à Granges-sur-Vologne, chez elle, le 14 juin, le même jour où sont arrêtés et placés en garde à vue sa tante et son oncle Jacqueline et Marcel Jacob (lire l’épisode 14, « L’étrange couple Jacob »), et la soumettent à un nouveau prélèvement. La femme rousse passe l’écouvillon dans sa bouche. Le professeur Doutremepuich extrait de ce nouvel échantillon un profil plus complet de Murielle Bolle. Car aujourd’hui, on analyse davantage de segments de l’ADN qu’il y a huit ans. Or, si la trace biologique laissée sur le carnet paroissial en 2017 « matchait » avec l’ADN partiel de Murielle Bolle prélevé en 2009, elle diffère de son ADN affiné sorti en 2017. Au grand dam des gendarmes.
On revient alors à la méthode classique, coercition et interrogatoires, pour tenter d’obtenir des aveux.