Turlupinés par le cold case enfoui depuis 1984 dans les abysses de la Vologne, c’est à l’automne 2016 que les gendarmes de la section de recherches de Bourgogne et la présidente de la chambre de l’instruction de Dijon Claire Barbier ont remis l’ouvrage sur le métier. Ultimes recours après l’échec des expertises ADN, une experte en écritures de renom a été chargée des lettres du corbeau et le service de renseignement criminel de la gendarmerie à Pontoise a repassé la procédure au crible du logiciel Anacrim, qui permet de mettre en relation les éléments d’un dossier. Ainsi une adjudante et une maréchale des logis-chef rompues à l’analyse criminelle ont entré dans cette base de données tous les détails contenus dans les 19 000 pages du dossier : lieux, dates, noms, voitures vertes, appels téléphoniques, emplois du temps, etc. Ce travail titanesque s’étale sur un procès-verbal d’analyse criminelle de 591 pages qui a été remis à la magistrate le 10 mai 2017 et que Les Jours ont pu consulter.
Sur des cartes géographiques de l’époque, les adresses de tous les protagonistes sont reportées sur six petites communes des Vosges qui tiennent dans un mouchoir de poche – 17 kilomètres seulement séparent par exemple Docelles, où le corps de Grégory Villemin a été retrouvé, d’Aumontzey, où habitait Bernard Laroche. Un arbre généalogique géant reprend toutes les branches de la famille. Un « schéma relationnel professionnel » établit les liens entre tous les protagonistes au sein des usines et filatures du coin. Des fiches personnages rangées par ordre alphabétique rassemblent sur 99 pages les extraits de déclarations des uns et des autres qui tissent un profil de chacun. Surtout, un « historique familial » retrace depuis 1949 et jusqu’en 1984 les querelles sur plusieurs générations mêlées aux manifestations d’un corbeau belliqueux à compter de 1981. Car le mobile de ce crime d’enfant relève d’une « vengeance » contre le « chef » Jean-Marie Villemin, comme l’a revendiqué le meurtrier, et c’est donc au sein des clans jaloux de la réussite du père de Grégory qu’il faut chercher. La magistrate de la cour d’appel de Dijon Claire Barbier et le colonel de gendarmerie Dominique Lambert traquent donc au sein de la lignée Villemin-Jacob-Laroche les malfaisants ayant déversé des heures de méchancetés téléphoniques aux grands-parents de Grégory et à leurs fils.
Les analystes criminelles de la gendarmerie qui mettent à plat toutes ces histoires de famille sur 105 pages ont repéré que « les Jacob vouent une haine inconsidérée aux Villemin » depuis des lustres.