Envoyé spécial à Kharkiv
Calcinée, la carcasse d’un blindé russe gît au milieu d’une rue à l’entrée nord de Kharkiv. Dès qu’on pénètre dans la deuxième ville d’Ukraine, dans l’est du pays, les stigmates sur les bâtiments des lourds affrontements sautent aux yeux. Sur le quai de la gare, dans la zone industrielle, des femmes et des enfants aux traits marqués attendent d’évacuer en train vers l’Ouest. 1,4 million de personnes habitaient Kharkiv. Aujourd’hui, les larges boulevards bordés d’imposants immeubles construits avant la Seconde Guerre mondiale sont vides. À seulement 30 kilomètres de la Russie, les civils vivent sous des bombardements quotidiens depuis le début de l’invasion, le 24 février. Aux premiers jours de la guerre, les forces armées russes sont entrées dans les faubourgs de la ville, avant d’être repoussées en périphérie, à dix kilomètres du centre-ville, à la suite d’ardents combats menés par la résistance ukrainienne. Entre vendredi et samedi derniers, les troupes de Vladimir Poutine présentes aux portes de l’agglomération ont ciblé 66 fois la ville, à l’artillerie, au mortier, au lance-roquettes. Un chiffre livré publiquement par Oleg Synegubov, le gouverneur de la région de Kharkiv. Le scénario était attendu après le repli de l’armée russe de la région de Kyiv et la volonté de son état-major de se concentrer sur la « libération » de l’est de l’Ukraine. Alors que les combats s’intensifient, quelques passants osent s’aventurer à l’extérieur. Leur pas s’accélère au rythme du fracas des explosions. Ceux qui sont restés ont pris l’habitude de vivre dans des souterrains transformés en abris et dans les stations de métro.