À Kyiv (Ukraine)
Lundi, 11 heures, au dernier étage d’un immeuble de Podil, le quartier branché de la capitale ukrainienne. Comme chaque semaine, la rédaction du Kyiv Independent est réunie pour sa conférence de rédaction hebdomadaire, avec une dizaine de salariés du journal, âgés de 20 à 35 ans. « Est-ce que vous nous entendez bien par ici ? », demande Olga Rudenko, la rédactrice en chef, au reste de l’équipe qui assiste à la réunion en visio. La connexion est mauvaise en raison des récentes frappes russes qui ont endommagé les infrastructures du pays. Dans le bâtiment, comme dans la plupart de ceux de la ville, il n’y a pas d’électricité. Pas de chauffage non plus. Dehors, il fait -1°C.
« Le trafic du site est plutôt stable ces derniers jours malgré les dernières attaques », se réjouit Olga Rudenko dans un parfait anglais en préambule de la réunion. Autour d’elle, l’équipe du média ukrainien est installée dans de confortables fauteuils de bureau, directement au sol, ou encore sur des poufs poires couleur pourpre, cigarette électronique à la main pour certains, yeux rivés sur le téléphone portable pour d’autres. Ça et là, traînent des verres de vin abandonnés. Il y a quelques jours, le journal célébrait sa première année d’existence. Sur les bureaux mal rangés gisent des tas de papiers, des livres, des bougies, des tasses pas encore nettoyées. D’ailleurs, l’odeur du café embaume l’open space. Le point sur les audiences de la semaine terminé, la rédactrice en chef passe la parole à Zakhar Protsiuk, directeur du développement du site internet. À l’ordre du jour, les moyens de se prémunir contre de nouvelles frappes russes et un black-out total annoncé. « Si cela dure un jour ou deux comme cette semaine, on est en mesure de gérer. On suit le protocole déjà mis en place. Si c’est pour une semaine, ça va être compliqué, reconnaît-il. Mais on est en train de trouver des solutions. » La réunion est interrompue par l’arrivée successive de deux fondatrices du Kyiv Independent : Anna Myroniuk, cheffe des investigations, puis Daryna Shevchenko, PDG du média. Cette dernière est flanquée de Hyatt, son labrador noir arborant un harnais aux couleurs de l’Ukraine.
Juste le temps d’enlever son manteau et Daryna Shevchenko commence son briefing. « Envoyez-nous un ou deux contacts d’urgence : votre mère, votre voisine, votre meilleur ami, somme-t-elle.