Aline aura 70 ans dans quelques semaines. Elle fut l’une des premières à porter plainte pour agression sexuelle contre le docteur T. C’était il y a plus de quinze ans. Les Jours se sont procuré les pièces de cette procédure. La façon dont elle a été menée et dont Aline a été traitée pourrait être étudiée en école de police ou de gendarmerie. Ou publiée dans un manuel, précédée de la mention en capitales rouges « À NE JAMAIS REFAIRE ». Ou bien encore placardée dans les locaux des conseils de l’ordre des médecins. Accompagnée de la même mention.
L’affaire du docteur T., c’est l’histoire de ce gynécologue de Domont, dans le Val-d’Oise, contre lequel ont été déposées 118 plaintes, qui est mis en examen depuis 2014 pour 75 viols et 14 agressions sexuelles et qui encourt donc jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle (lire l’épisode 1, « Un gynécologue, 118 plaintes pour violences sexuelles »). Mais c’est aussi l’histoire de paroles de femmes broyées par les rouages d’institutions sourdes. Dénoncé à plusieurs reprises, le praticien s’est retrouvé dans les filets de la justice en 2005, en 2008 et en 2011 (lire l’épisode 2, « “La justice nous a oubliées” »). À chaque fois, elle l’a laissé glisser entre ses mailles béantes. Et à cette succession de ratés a répondu l’effroyable légèreté de l’ordre des médecins.
Retour en juillet 2005, lorsqu’Aline franchit les portes de la gendarmerie de Domont.