Mi-octobre, Jean-Marcel Mourgues estimait qu’en matière de violences sexuelles perpétrées par des professionnels de santé, une vraie prise de conscience était à l’œuvre. Le vice-président du conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) nous l’assurait : « Que des faits d’une gravité particulière soient tus me paraît maintenant une perspective de plus en plus improbable. » Et pourtant. Les affaires mettant en cause les conseils départementaux de l’ordre des médecins (CDOM) s’accumulent. Les Jours ont révélé récemment que Jean-Michel Raynaut, gynécologue mis en examen pour viols aggravés, avait fait l’objet d’alertes pas plus tard qu’en 2020 et 2021, laissées sans réponse ou pire, par le CDOM des Alpes-Maritimes (lire l’épisode 5, « Violences sexuelles : un gynéco de la côte d’Azur dans le viseur »). Ceux du Val-d’Oise, de Paris ou encore du Pas-de-Calais avaient fait de même dans des dossiers similaires. Dans un rapport de 2019, la Cour des comptes pointait de son côté l’inertie d’autres conseils, de La Réunion aux Alpes-de-Haute-Provence en passant par le Var. Sur cette grande carte des dysfonctionnements, Les Jours ajoutent aujourd’hui ceux du Rhône et du Nord, qui n’ont pas donné suite à des signalements pour violences sexuelles.
Procédures non respectées, entre-soi et sanctions trop clémentes : les critiques visant la justice des blouses blanches sont légion. Les patients se tournent parfois vers elle pour obtenir la sanction d’un médecin par ses pairs, tout en évitant la lenteur ou la lourdeur d’une procédure « classique ». Mais ils ont toujours la possibilité de saisir les juridictions civiles et pénales en parallèle, la justice disciplinaire étant autonome de ces dernières. Son fonctionnement est clair : on adresse une plainte par courrier à l’ordre départemental, qui est tenu d’organiser une conciliation. Si elle échoue, il transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre régional qui juge de sa recevabilité et, le cas échéant, du fond de l’affaire. L’appel se fait devant la chambre disciplinaire de l’ordre national. Présidées par un magistrat administratif assisté de médecins assesseurs, ces chambres jugent les manquements d’un praticien au Code de déontologie et prononcent des sanctions prévues par le Code de la santé publique.

Ça, c’est la théorie. Car depuis des années, la justice ordinale s’enraye dès le stade de la réception des plaintes.