Il n’y a rien de plus énervant que les néologismes vides de sens inventés par les « créatifs » des services marketing pour faire moderne. Exemple : le jargon des entrepreneurs du net qui n’a d’autre but que de faire passer pour un vieux con tout ce qui n’est pas digital native (« enfant du numérique », en vieux français). Vous entendrez ainsi peut-être parler de gens qui veulent « disrupter la démocratie grâce à la blockchain ». Eh bien, ne fuyez pas. Vous risquez de trouver des personnes passionnées qui réfléchissent à la manière de renouveler la démocratie par le numérique. Des défenseurs de la « civic tech » (traduisez « technologie civique ») qui veulent profiter des réseaux virtuels – et de leur capacité à mobiliser à moindre coût – afin de construire un nouveau régime politique plus participatif. Comme les partisans du tirage au sort (lire l’épisode 5, « Le jeu de la politique et du hasard »).
À la frontière de la civic tech gravitent des collectifs neuneus qui voient dans internet une religion new age. Comme la communauté des Barbares, une « tribu » de « disrupteurs » maîtrisant les « outils du numérique » qui veulent « favoriser l’émergence d’un monde positif » en vivant « en paix avec eux-mêmes ». Mais d’autres, comme #MaVoix, qui veut « hacker l’Assemblée nationale », valent le coup d’être étudiés. C’est l’avis de Loïc Blondiaux, professeur de sciences politiques, un des meilleurs spécialistes de la démocratie participative en France (et aussi un militant de cette idée). Quand nous l’avons rencontré, il nous a dit être à l’affût de toutes les expérimentations visant à renforcer la participation des Français. Il venait de rencontrer des militants de #MaVoix, dont il trouvait la « démarche intéressante ».

#MaVoix a été lancé en 2015, notamment par Quitterie de Villepin, ex-responsable de la campagne numérique de Bayrou en 2007, pour réunir des personnes qui, selon son manifeste, « n’arrivent plus à aller voter la tête haute » ou « ne votent plus du tout », et se sentent « piégés par un système politique » qui ne les « respecte pas ». Son idée : désigner par tirage au sort des candidats à l’Assemblée nationale qui, une fois élus, auraient pour mission de voter selon les instructions des membres du collectif élaborées au sein d’une plateforme numérique. Une première expérience a été lancée en mai 2016, lors d’une élection législative partielle à Strasbourg.