«“Ils ont souvent fait ce rêve étrange et pénétrant…” D’un monsieur élégant, charmant et cultivé qui savait se rendre disponible chaque jour et souvent très tard dans la nuit. (…) Il était lui, nous étions nous. » Ces quelques lignes qui décrivent sur son site internet Monsieur Bleu, le resto du Palais de Tokyo, à Paris, ont à coup sûr été écrites par un poète, un poète de cuisine peut-être, un Verlaine-à-peu-près, mais un poète visionnaire. Car c’est un autre monsieur bleu, la couleur de son costume, que recevait Monsieur Bleu, ce vendredi après-midi : Emmanuel Macron. Rendez-vous avait été donné aux journalistes à 15 heures à l’arrière du Palais pour toucher du doigt ce rêve étrange et pénétrant, peut-être, mais à coup sûr inaccessible d’un président accessible et qui répondrait en direct aux questions des journalistes. Une première pour Les Jours, on était tout chose et papillons dans le ventre. En haut des marches qu’une averse vient de détremper, ça ne rigole pas. Fouille, palpation et chiens renifleurs sur la bucolique terrasse de Monsieur Bleu que surplombe la tour Eiffel. À l’entrée, première mauvaise nouvelle : « Macron sera là à 16 heures. » Deuxième mauvaise nouvelle, le spectacle est payant : 50 euros.
Ahem, payer pour avoir l’honneur et l’avantage de poser des questions en direct au président de la République ? Mais on est prié de ranger son gilet jaune et ses nobles indignations. C’est qu’en fait cette rencontre est organisée par l’Association de la presse présidentielle (APP), composée des journalistes qui « suivent » le Président et dont Les Jours sont adhérents. Une fois par an, l’APP invite le chef de l’État à répondre aux questions de ses membres et, qui dit invitation dit pas à l’Élysée, pour des raisons d’indépendance, et aux Jours, on est bien placés pour savoir que l’indépendance se paye cher. En l’espèce très cher, puisque visiblement ça ne se fait pas d’inviter Emmanuel Macron au boui-boui du coin, et le lieu choisi doit être validé par la Présidence pour des questions de sécurité. Or, les délais imposés par l’Élysée sont très courts et la privatisation de Monsieur Bleu se paye donc plein pot : le plus gros poste de dépense de l’APP, que ne couvriront que partiellement les 50 euros payés par les 68 journalistes présents ce vendredi après-midi.

Notez bien, c’est joli, Monsieur Bleu : maousses lustres géométriques Art déco, banquettes de velours vert et tentures.