Espèce de petit trou du cul gommeux ! Chancre d’énarque ! Maître des horloges de nos fesses ! Banquier d’affaires ! Éborgneur de gilets jaunes ! Savateur de Rémy Buisine ! Jupiter de basse-cour ! Bouffeur de cordon-bleu ! Oui, il fallait être à la hauteur de l’histoire pour rendre hommage à celui qui, le 30 mai 1974, trois jours après son élection, annonce qu’il ne recourra plus jamais au délit d’offense au chef de l’État, dont usaient ses prédécesseurs. Merci « grande saucisse de Chamalières », ainsi qu’au lendemain de cette promesse, Libération qualifia Valéry Giscard d’Estaing, entre autres gracieusetés (« Enflé de Chamalières », « Accordéoniste de mes deux », « Vachequiriphile »…). Et puis il fallait bien tresser ce pont d’insultes de l’ex à l’actuel président de la République tant le premier a inspiré le second
C’était une France de costumes jaune moutarde et de moquette caca d’oie sur les murs. Une France dont les bars sentaient l’œuf dur et le tabac froid, une France de formica et de sous-pulls qui grattent, une France moderne, quoi. Car oui, à 43 ans d’écart, Giscard (dit « d’Estaing », puisque ses aïeux obtinrent en 1922 par décret le droit accoler à leur nom la noble particule) et Macron se voulurent l’incarnation d’une présidence jeune et moderne, le premier (élu à 48 ans) se faisant rafler le titre de plus jeune Président par le second (élu à 39 ans) en 2017. À 43 ans d’écart, les deux énarques, ex-ministres des Finances, respectivement sous de Gaulle et Pompidou et sous Hollande, dynamitent les partis : l’un crée la Fédération nationale des républicains indépendants (FNRI) en 1966, l’autre La République en marche (LREM) en 2016. En 1974 et 2017, les deux braquent la présidentielle par surprise. À 43 ans d’écart, les deux se veulent centristes, européens, l’un est l’homme du « oui, mais », l’autre celui du « en même temps ».

Mais si Giscard mérite qu’on lui offre ainsi un épisode spécial d’In bed (d’autant qu’on n’a plus à craindre de lui, alors qu’une journaliste allemande a porté plainte contre Giscard en mai dernier pour agression sexuelle), c’est aussi qu’il inaugure en 1974 une relation nouvelle à la presse, et souvent dans la même louange médiatique qui salua l’arrivée à l’Élysée de son freluquet d’héritier.