En lisant les tracts à peine déballés, Jeanne tique. « “Arrêt de l’immigration”, ce n’est pas très… Enfin, il est un peu délicat celui-là, non ?, s’interroge la numéro 2 de mon groupe de militants parisiens. On n’est pas contre l’idée, bien sûr. Mais bon, ce n’est peut être pas le lieu. » Le « lieu », c’est le boulevard de Reims, dans le XVIIe arrondissement de la capitale, en lisière du périphérique. Ce marché où les « grognards »
Nous sommes fin janvier et c’est la première fois que la propagande électorale de Reconquête est aussi explicite. Jusqu’alors, l’état-major du parti attendait de voir la réaction des gens avant d’afficher ouvertement la couleur. Les premiers prospectus portaient sur le programme pour l’éducation d’Éric Zemmour, sans photo et avec son patronyme en petits caractères. « Vous dites : “C’est le programme pour l’école”, et vous précisez si on vous demande », ont conseillé prudemment les chefs. Les réactions n’ayant pas été trop mauvaises, les tracts sur l’école se sont peu à peu zemmourisés. Un cliché du candidat a fait son apparition en haut de la feuille et un bulletin d’adhésion à Reconquête, en bas. Pour la petite histoire, la chefferie les a trouvés si bien qu’elle en a commandé plusieurs milliers qu’elle a désormais bien du mal à écouler.
Aujourd’hui, les idées radicales du parti se déclinent très largement sur les nouveaux tracts. Ce qui peut poser, donc, des cas de conscience aux petites mains sur le terrain. C’est là l’un des nombreux paradoxes de la Zemmourie. Si les militants sont convaincus des thèses défendues par leur champion, ils ont en même temps conscience de la violence de leurs positions pour les premiers visés par leur programme. À savoir, tout ce qui n’est pas assez français à leurs yeux. Aussi, il n’est pas rare qu’ils choisissent le sujet qu’ils vont aborder en fonction du chaland rencontré.