De Belfast
J-7« J’ai peur, admet Fiona. En temps normal, je ne suis pas consciente des divisions dans lesquelles nous vivons. Mon attitude, c’est plutôt “vivre et laissez vivre”, et que chacun fête ce qu’il veut ! Mais cette année, cette histoire de 12 juillet, ça me travaille. » L’étudiante est venue rendre visite à son amie nationaliste Hannah Nic Colaim (lire l’épisode 2, « “La réunification de l’Irlande est à portée de main” »). Elle a beau se tenir à l’écart de la politique et des batailles identitaires, ses parents ont instillé en elle une crainte qui l’accompagnera pour l’été. Il ne reste qu’une semaine avant les deux jours les plus clivants du calendrier nord-irlandais : les 11 et 12 juillet marquent l’anniversaire de la bataille de la Boyne, en 1690, lors de laquelle le roi Guillaume III d’Orange a triomphé du souverain catholique Jacques II, assurant ainsi la protection des protestants d’Irlande. Une fête nationale unioniste, à base de feux de joie et de parades, et une provocation insupportable pour les républicains qui voient d’un mauvais œil ces démonstrations de force.
« Laissons-les fêter ce qu’ils veulent, certes, mais il s’agit tout de même d’une culture basée sur l’épuration ethnique et la colonisation. Ils célèbrent la mort de centaines de personnes ! », corrige Hannah. À Belfast plus qu’ailleurs, les commémorations ont une saveur étrange, intensifiée par la proximité physique entre les deux camps.