À Beyrouth (envoyé spécial)
Les enfants qui jouent dans la cour rendraient presque la scène normale. Mais rien ne l’est dans l’école secondaire Omar-Farroukh, située dans le quartier de Tariq El Jdideh, au centre de Beyrouth. Ali, 9 ans, et son cousin Ahmad, 13 ans, deux petits bruns aux cheveux ébouriffés, échangent quelques passes. « On n’est pas censés habiter ici », dit naïvement le cadet, sans que l’on sache vraiment s’il s’agit d’une question ou d’une affirmation. « Vous avez des écoles chez vous ? », demande le second, l’air blasé. « Mais est-ce que les gens y vivent ? »
Les rayons du soleil disparaissent peu à peu derrière le grand mur. Derrière, il y a le bruit des voitures qui filent sur la voie rapide reliant le cœur de la capitale libanaise à la banlieue sud, l’aéroport international et au-delà les régions méridionales bombardées quotidiennement par l’armée israélienne au cours des dernières semaines (lire l’épisode 17, « Les Libanais plongent dans l’abîme et l’inconnu »). Selon les autorités libanaises, au moins 1 500 personnes ont été tuées depuis le lundi 23 septembre, portant le bilan total depuis le 8 octobre 2023 à 2 306 morts et 10 698 blessés. Près d’1,2 million d’habitants ont été forcés au déplacement dont une grande partie s’est dirigée vers la capitale. Des refuges ont été ouverts spontanément dans des bâtiments publics, notamment des écoles.
Le mastodonte de quatre étages qui s’élève au-dessus des enfants est désormais un grand dortoir pour quelques centaines d’habitants du sud du pays