C’est beau, un empire qui s’agrandit, c’est très émouvant : Vivendi rachète Havas. Après des mois à bruire, l’annonce en a été faite ce jeudi. Voilà et… Heu attendez : Vivendi, c’est Vincent Bolloré, on est d’accord. Dont il détient 20 %, on est d’accord. Mais Havas, c’est aussi Bolloré et cette fois à 60 %. On résume : Vincent Bolloré de chez Vivendi décide de racheter ses 60% à Vincent Bolloré de chez Havas. Et où ira l’argent ? Chez Vincent Bolloré de chez Bolloré. Un numéro de contorsionniste doublé d’un numéro de prestidigitation puisque Bolloré rachète Bolloré avec l’argent de Vivendi : Bollo le magicien.
Bollo le magicien, avec toujours le même tour, celui de Bollo le raider : il prend un petit bout et après il bouffe tout. C’est ce qu’il a fait avec Havas, justement, entre 2004 et 2005. C’est ce qu’il a fait avec Canal+ : en 2011, il vend sa pauvre chaîne de la TNT Direct 8 (devenue D8 et aujourd’hui C8) à Canal+ par échange d’actions de Vivendi qui est la maison-mère de la chaîne cryptée. Puis monte petit à petit au sein de Vivendi, puis mange Canal+. Assez salement, il faut bien le dire, d’ailleurs, comme il l’avait fait à Havas, en éjectant brutalement un à un chacun de ses dirigeants. C’est ce qu’on vous raconte ici même dans L’empire depuis plus d’un an.

Mais avec le rachat d’Havas, c’est une opération d’ampleur qui se noue : il rapporterait 2,4 milliards d’euros au groupe Bolloré venus de la trésorerie de Vivendi que Bolloré ne contrôle donc qu’à 20 %, mais avec 30 % des droits de vote. Vincent Bolloré rend là un fier service à Bolloré Vincent puisque son groupe perso (détenu par lui et par lui seul, pas folle la guêpe) est fortement endetté. Mais officiellement, ce n’est évidemment pas la raison du rachat. Figurez-vous qu’il s’agit, clame le communiqué avec force trompettes, d’ « accélérer la construction d’un leader mondial de contenus, de médias et de communication, qui lui assurera un positionnement unique dans un contexte de convergence entre contenus, distribution et communication. »
Il y a un mot vrai dans ce charabia – pardon, président Macron, disons plutôt « galimatias » –, c’est « unique ». Car bien au-delà de sa communication politique qui la voit s’infiltrer au cœur des gouvernements, Havas, c’est avant tout une grosse, une énorme, une maousse machine à faire de la réclame. Quelque 700 agences de pub dans le monde et de l’achat d’espaces : Havas conçoit des pubs et les place dans les médias.