Comme au festival d’Avignon, le « in » et le « off » rivalisent. Voyant depuis deux semaines un mouvement de contestation policière naître sans eux – voire contre eux –, les syndicats de police essaient de rattraper le train. Le deuxième syndicat de gardiens de la paix, Unité - SGP Police, organisait une « marche de la colère » dans 80 villes françaises, mercredi midi. Elle a réuni 500 policiers à Paris. En parallèle, environ 300 fonctionnaires « sans étiquette » se sont rassemblés sur le pont de la Concorde, devant l’Assemblée nationale. En pleine journée, pour la première fois. Les syndicats, considérés par les pouvoirs publics comme les seuls interlocuteurs légitimes, ont été reçus à l’Élysée mercredi soir, à l’issue d’une dixième journée de mobilisation des agents. Dans la foulée, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a annoncé un « effort » sur le matériel, chiffré à 250 millions d’euros. Et accepté de discuter des autres revendications.
Les policiers rencontrés depuis quelques jours dans les « manifs sauvages » (lire l’épisode 1, « La police goûte à la manif sauvage ») sont durs avec leurs organisations représentatives. Dénoncent leur « guéguerre » permanente, leur proximité avec les autorités, leur opportunisme. « Les syndicats veulent récupérer le mouvement », soupçonnait l’un d’entre eux, qui exerce en Seine-Saint-Denis et a participé au contre-rassemblement de mercredi à l’Assemblée. « Ils essaient de reprendre la main maintenant que ça commence à avoir de l’ampleur », accusait un gradé de l’Essonne, qui a « des réserves sur leur représentativité ». Et de poursuivre : « Ils veulent en être, pouvoir dire que c’est grâce à eux qu’on obtient des choses. » René, de la BAC de Savigny-sur-Orge, estimait que le mouvement naissant n’avait « pas besoin de syndicats ». « De toute façon, ils veulent toujours qu’on s’apaise, alors qu’il ne faut pas que ça s’essouffle. »
Samedi dernier à Évry, Mehdi raillait ceux qui se battent « pour qu’on ait des polos, ou la carte SNCF à 75 %, alors que ce n’est pas la priorité ». Tandis que Benoît se félicitait qu’il n’y ait depuis le début « pas de porte-parole, pas une personne qui décide ». « Les délégués [représentants syndicaux « de base », ndlr], on les remercie. Mais en une semaine, on en a fait plus que les syndicats en dix ans. » Ce jour-là, le policier de la BAC prévenait : « hors de question » pour lui de participer aux rassemblements déclarés par les organisations.