Anaïs n’attend pas grand-chose du streaming, même si elle sait que ce mode d’écoute de la musique est en train de devenir ultra-majoritaire, via YouTube ou des plateformes comme Spotify, Deezer et Apple Music. Quand la chanteuse, que l’on a connue par son tube au troisième degré Mon cœur, mon amour, un gros succès de l’année 2006, a décidé de reprendre le contrôle de sa carrière, le streaming s’installait à peine. Mais internet était déjà là et lui disait qu’elle pouvait se débrouiller sans le lourd attirail d’une maison de disques.
Comme beaucoup d’artistes actuels, elle a alors lancé sa petite entreprise (lire l’épisode 5, « Le chant des artisans »), comme elle me l’a raconté dans un café près de la place de la Bastille à Paris, avec cette énergie amusée qu’elle met dans chacun de ses concerts depuis le début des années 2000. « À un moment, je n’arrivais plus à travailler avec Polydor, c’est-à-dire Universal, chez qui j’avais terminé sans trop le vouloir. Je leur devais encore deux albums, mais j’ai négocié mon départ. Ils ont eu l’intelligence de se dire : “Si on n’arrive pas à travailler ensemble, ça ne sert à rien de se forcer.” » Anaïs s’est ainsi retrouvée artiste indépendante, mais bien entourée. Elle a créé son label, Reft, et conservé son manager, Jérôme Scholzke. Ensemble, ils ont trouvé « un avocat et un comptable. Je prends des gens en qui j’ai confiance et je les paye pour ça. Je ne ferai pas la bêtise de dire “je veux tout faire”, il faut s’entourer. Je reste quand même une artiste ! » Anaïs a aussi changé de tourneur pour organiser ses concerts ; ce travail est désormais fait par Dessous de scène, une petite structure parisienne engagée, tandis que L’Autre Distribution se charge de vendre sa musique en magasins.
Dans cet écosystème moins massif que ce qu’une major comme Universal pouvait lui fournir, Anaïs a trouvé un nouvel équilibre autant économique qu’artistique. Les outils désormais disponibles facilement sur internet ont facilité cette bascule : une distribution numérique peu coûteuse sur toutes les plateformes de téléchargement et de streaming, Facebook pour parler en direct aux fans, et c’est parti. C’est cette maîtrise qui, selon elle, lui a longtemps échappé quand elle s’est fait remarquer avec son Cheap Show, où elle montait sur scène seule avec une guitare et une pédale pour faire des boucles de sa voix ou de sa musique, et se moquait de Carla Bruni ou de Francis Cabrel.