Pendant longtemps, le rayon classique de Gibert Musique, le grand et très riche magasin de disques installé sur le boulevard Saint-Michel, à Paris, a été une antre un peu effrayante. Pour y entrer, il fallait passer par un petit couloir qui ouvrait sur quelques salles tout d’un coup très silencieuses, où se répandait en sourdine un quatuor de luths baroques. Là, un mélange de profs d’histoire de la Sorbonne et d’étudiants spécialisés dans le commerce méditerranéen à Gênes sous l’empereur Justinien raflaient des grosses piles de CD en silence, l’air décidé et savant. Il ne faisait pas bon entrer là pour demander « la musique de la pub machin », ou les Funérailles de la reine Mary de Purcell, découvertes la veille en regardant Orange mécanique.
Malgré tout, j’ai pu découvrir dans ce rayon des choses en demandant courageusement conseil à un vendeur, en particulier ces Sonates du rosaire d’Heinrich Ignaz Franz Biber, conseillées alors que je m’intéressais aux musiques jouant avec un drone – un bourdon en français, une note basse continue qui sert de socle sonore. Car s’il y a bien un monde musical qui demande une introduction, un guide, c’est le continent du classique, du contemporain, du jazz même. Et c’est ce petit supplément humain si décisif qui manque aujourd’hui aux grandes plateformes de streaming. Et encore, je suis gentil. En vrai, c’est complètement le bazar dès que l’on sort du sentier rap-pop-rock-variété.
Encore plus que ces autres musiques, qui trouvent peu à peu leur façon de travailler avec ce nouveau mode d’écoute qu’est le streaming, le classique cherche son chemin en ce moment.