«Qui a subi la torture ne peut plus se sentir chez lui dans ce monde. » C’est avec cette citation de l’écrivain et survivant d’Auschwitz Jean Améry que les procureurs ont entamé leur réquisitoire, le 2 décembre dernier. Une citation pour résumer les dizaines de témoignages d’anciens détenus entendus depuis le 23 avril 2020 et le début du procès d’Anwar Raslan à Coblence, en Allemagne. Après plus de cent jours d’audience, le jugement pour crimes contre l’humanité de cet ancien colonel des renseignements syriens arrive à son terme. L’heure est au réquisitoire du parquet, au plaidoyer des parties civiles. Aux dernières déclarations avant que la défense ne prenne à son tour la parole et que les juges rendent finalement leur verdict, en janvier prochain.
Alors ce jour de décembre, c’est autant aux victimes qu’aux juges que les procureurs ont semblé s’adresser. Comme pour dire que leurs récits ont été entendus. Les assurer qu’ils ne seront pas oubliés. Des récits d’arrestations, de détention dans des cellules insalubres et bondées où résonnaient sans cesse les cris de celles et ceux que l’on menait aux salles d’interrogatoire. « La détention, dans de telles conditions, était une torture permanente en soi », ont affirmé les procureurs. Avant de se tourner vers l’accusé, cet ancien diplômé de droit, passé des forces de police aux renseignements, dont la carrière l’emmènera jusqu’au prestigieux poste de responsable des investigations de la branche 251. Parce qu’il était en charge de ce département en 2011 et 2012, lors de l’envol de la révolution et sa sanglante répression, Anwar Raslan, 58 ans, est accusé d’être responsable de la détention et de la torture d’au moins 4 000 personnes ainsi que de trois cas de violences sexuelles
Je souhaite que ce tribunal vous donne du temps, beaucoup de temps, assez de temps pour que vous pensiez à nous, les victimes et les témoins qui ont comparu en ces lieux.
Des crimes d’une telle ampleur qu’ils ne peuvent qu’entraîner une condamnation à la prison à perpétuité, ont requis les procureurs face à la cour. Anwar Raslan n’a pas bougé, toujours silencieux, toujours attentif. Impassible. Pas même quand les procureurs ont estimé que sa culpabilité était d’une « exceptionnelle gravité ».