Abandonnés dans la contemplation des boiseries délicieusement ouvragées de cette solennelle salle d’audience de la cour d’appel de Paris qui porte le nom de Victor Hugo, nous est revenue cette phrase du grand homme – était-ce dans Les Misérables ou plus assurément sur un site de citations ? – : « Il vient une heure où protester ne suffit plus ; après la philosophie il faut l’action. » Car là, entre avocats de Vivendi et d’Amber Capital venus réclamer, encore, des postes au conseil de surveillance de Lagardère que leurs actions dans ledit groupe justifieraient et avocats d’en face rétorquant, toujours, que jamais de la vie, on lambine. Mais si l’audience en appel ressemble fort à une redif de celle qui s’est tenue le 24 septembre au tribunal de commerce (lire l’épisode 4, « Lagardère s’accroche à son siège éjectable ») avec ses sourcilleux débats sur la notion d’intérêt propre à un actionnaire et intérêt social de l’entreprise, son issue pourrait tout bonnement disperser l’empire Lagardère façon puzzle. De l’action, enfin.
La décision de la cour d’appel est attendue le 17 décembre. Simple : soit elle accède à la demande de Vivendi et Amber d’avoir des représentants au sein du conseil de surveillance du groupe Lagardère et son patron, Arnaud, peut commencer à faire ses cartons. Soit, comme le tribunal de commerce en octobre, la cour d’appel refuse et il suffit d’un claquement de doigts – et de chéquier – pour que Vivendi et Amber, aujourd’hui alliés et détenteurs à eux deux de 46 % de Lagardère, déclenchent une OPA. Rare et pas très bien vu dans l’entre-soi du capitalisme français mais comme si Vincent Bolloré était à ça près – n’oublions pas qu’il n’avance pas son propre argent mais celui de Vivendi dont il n’est après tout que le premier actionnaire.
Enfin ça, c’est sur le papier, car Arnaud Lagardère s’accroche à sa commandite. La commandite, c’est le super pouvoir qui lui permet, en ne détenant qu’environ 5 % du groupe via sa holding personnelle, d’être malgré tout le patron tout-puissant – en échange de devoir répondre personnellement des dettes du groupe. Dans l’hypothèse où Amber et Vivendi obtiendraient en justice des postes au conseil de surveillance, il leur faudrait encore les votes de deux tiers de l’assemblée générale pour déboulonner Lagardère. Mais endetté à titre personnel jusqu’au cou et avec un groupe en difficulté, il est bien obligé de négocier (lire l’épisode 1, « Les “Valeurs” de la famille Europe 1 »). La question est : à quel point ?
Lors de l’assemblée générale des actionnaires de Vivendi, en 2012
— Photo Denis Allard/Réa.
Le 17 décembre sera décisif donc, et Arnaud Lagardère l’a dit lui-même tout récemment devant les salariés en comité de groupe.