Lors d’une manifestation à Nantes (Loire-Atlantique), le 27 novembre 2007, le visage de Pierre Douillard-Lefevre est percuté par une balle en caoutchouc. À cet instant, l’adolescent de 16 ans ignore ce qui vient de lui ôter l’usage de l’œil droit pour le restant de ses jours. « Tout ce que j’ai vu, c’est un policier encagoulé me mettre en joue avec une arme d’épaule et me tirer dessus, se remémore Pierre Douillard-Lefevre seize ans plus tard. Le lendemain, j’ai dit ce que j’avais vu mais personne ne me croyait, personne n’avait encore jamais vu à Nantes de policiers avec ce genre d’armes. » Et pour cause : le jeune homme vient d’être éborgné par un nouveau modèle de lanceur de balles de défense, tout juste expérimenté en France, le LBD 40. « On savait ce qu’était le flashball, mais en 2007, le LBD 40 venait tout juste d’être distribué à quelques centaines d’exemplaires, c’était une phase-test initiée par Nicolas Sarkozy », retrace Pierre Douillard-Lefevre, devenu depuis chercheur en sciences sociales et auteur d’un ouvrage sur la militarisation de la police.
Dès 1995, les forces de l’ordre sont équipées du Flash-Ball Super Pro, fabriqué par l’entreprise française Verney-Carron, de la famille des lanceurs de balles de défense. Celui-ci est alors surtout utilisé dans l’antiterrorisme puis, très vite, en sécurité publique dans les quartiers populaires. Le LBD 40, produit lui par l’entreprise suisse Brügger & Thomet et classé en arme de catégorie A2, c’est-à-dire comme matériel de guerre, le supplante peu à peu à partir de la fin des années 2000 chez les policiers et les gendarmes. Il le remplace définitivement courant 2016 sous l’impulsion de Manuel Valls, alors ministre (socialiste) de l’Intérieur. Cette année-là, le LBD 40 sera utilisé dans le maintien de l’ordre dans le cadre de la contestation contre la loi travail. Équipé d’un canon rayé de 40 mm, d’une crosse et d’un viseur, il propulse des balles en caoutchouc à 350 km/h. Beaucoup plus précis que le flashball, le LBD 40 est censé toucher sa cible de 10 à 50 mètres ou de 3 à 35 mètres, selon le type de munition utilisée. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle il sera préféré à son prédécesseur. En 2019, l’entreprise française Alsetex remporte un appel d’offres pour fournir aux forces de l’ordre un LBD 40 qui présente ces mêmes caractéristiques. Aux termes d’une instruction ministérielle de 2017, les fonctionnaires habilités doivent l’utiliser de façon