Ce matin du 2 octobre 1989, à 8 h 30, le commissaire Patrick Riou grimpe les marches du 36 en costume de gentleman british, le cœur battant, salue les chefs inspecteurs du bureau 305 qui octroient les perms, voitures et radio, et s’informe des affaires de la nuit. Ce jour-là, ces « vestales » de la crim’ qui entretiennent le feu sacré
l’appellent pour la première fois Patron
et ça lui procure un plaisir inouï
. Le voilà en effet patron de la brigade criminelle, le nec plus ultra du quai des Orfèvres. Impressionné, Patrick Riou pousse la porte capitonnée du vaste bureau 315 avec vue sur la Seine où, à la fin de l’année 1975, le dieu vivant du 36
, Pierre Ottavioli, l’avait reçu pour le coopter dans son service (lire l’épisode 9, « Patrick Riou et les reliques de la mort »). Fini le minuscule réduit aveugle où le chef de section fit ses débuts à la crim’, oubliée la vieille machine à écrire Japy au bout du rouleau. Comme tout policier du 36, Patrick Riou commence par retirer son revolver Manurhin MR73 de son étui et le glisse dans le tiroir de son bureau en bois qu’il ferme à clé. Il fait l’inventaire des dossiers en cours, rangés dans des armoires métalliques ou dans le coffre-fort, au fond de la pièce. Il va réunir autour de la table ovale les douze chefs de groupe, son adjoint et les quatre commissaires chefs de section pour un point général des enquêtes.
Car ici, à la crim’, « on dérouille » souvent, on prend une centaine d’affaires chaque année parmi les plus énigmatiques, les plus compliquées et les plus sensibles : attentats terroristes, tueurs en série, assassinats de femmes ou d’enfants, crimes liés à des personnalités, règlements de comptes entre bandits et meurtres en tous genres sans auteurs identifiés
. Avec sa technique dite du « rouleau compresseur », la crim’ est capable de mettre 90 inspecteurs sur un événement pour tout ratisser à chaud, en un temps record. Pas de restrictions de moyens ou de temps pour une enquête. Malgré tout, on n’en élucide seulement deux sur trois, car ce sont les plus complexes qui atterrissent au 36. Les corps que l’on découvre ont été lacérés, brûlés, torturés, découpés en morceaux, truffés de plomb, noyés ou roués de coups. Ils sont frais, congelés ou putréfiés
, détaille Patrick Riou aux Jours. Attablé aux Officiers, une brasserie à côté de chez lui à Vincennes, ce grand « Pjiste », retraité depuis sept ans, ne s’en est jamais vraiment remis : J’ai tout vu, tout connu. Et il faut savoir vivre avec ça.

Aux commandes de la brigade criminelle, le divisionnaire Riou réalise – une fois de plus – qu’il faut se méfier de ses premières impressions
, des évidences et de ses intuitions, ne pas orienter l’enquête dès le départ mais explorer toutes les pistes pour refermer une à une les portes
, les hypothèses.