François Besse, ancien associé de Jacques Mesrine dans une tonitruante échappée de la prison parisienne de la Santé en 1978 et une folle équipée en Normandie, a donné du fil à retordre aux poulets du 36. La brigade criminelle l’a même cru mort après son coup de main aux braqueurs du gang des postiches en 1986 pour délivrer son chef André Bellaïche d’une taule de Rome par la voie des airs. Poids plume au visage juvénile et aux cheveux blancs, l’ex-bandit devenu sage ne paraît pas lesté de 75 printemps, six évasions, vingt années de prison et autant de fuite en avant. Définitivement libre comme l’air, cet adepte de Spinoza raconte sa trajectoire hors du commun dans un livre catharsis intitulé Cavales (Plon, 2019).
C’est dans un restaurant parisien que je retrouve pour Les Jours ce personnage qui m’est familier depuis son ultime arrestation à Tanger, au Maroc, en 1994. N’ayant rien perdu de ses réflexes de clandestin, François Besse occupe un angle mort avec vue panoramique sur la place d’Italie, la terrasse, la salle et même la cuisine. De son poste d’observation, il guette mon arrivée et ne manque pas de me gourmander sur la cigarette grillée dehors, lui qui ne fume pas, ne boit pas : « Tu es conditionnée. » Son livre de chevet du moment est Cours de philosophie biologique et cognitiviste : Spinoza et la biologie actuelle (Odile Jacob, 2018), signé par son maître à penser, Henri Atlan. À force d’analyser ses passions révolues et de cultiver un ascétisme austère, le rebelle a laissé place à un homme réfléchi au ton parfois sentencieux, avec un petit côté curé. Pourtant, François Besse ne croit pas en Dieu et se définit comme un « anarcho-chrétien ».

Invité à mon pot de départ de Libération en janvier 2015, après un quart de siècle de faits divers, François Besse – alors incognito car surveillé par une juge d’application des peines – n’avait pas trempé ses lèvres dans une coupe de champagne. Fondu dans la masse de poulets à l’ancienne et de voyous ayant payé leur dette à la société que j’avais conviés ce soir-là, le passe-muraille me lance alors tout à trac : « Je vais voir mon président. » Quel président ? Et voilà l’ancien accusé Besse en train de disserter avec le magistrat Dominique Coujard qui présidait en 2002 la cour d’assises de Paris dont le verdict très clément lui a permis d’éviter la perpétuité.